Compte rendu de l’entretien d’une délégation de QSF avec
M. Belloc, chargé de mission par le ministre de l’Éducation nationale
Monsieur Belloc, Président de l’Université de Toulouse I, ancien premier vice-président de la Conférence des Présidents d’Université, a été chargé par le Ministre de la Jeunesse, de l’Education nationale et de la Recherche d’une mission sur le rôle et le statut des universitaires, ceci à la suite du rapport ESPÉRET sur le même sujet. On se rappelle que le précédent ministre, M. LANG, avait déclaré de nombreux points d’accord avec ce rapport (Voir Bulletin QSF n° 4, décembre 2.001, pp. 8-13 sur le rapport Espéret et Bulletin QSF n° 2, juin 2.002 comportant le compte-rendu de la réunion-débat du 18-03-2.002 sur » La réforme du service des enseignants-chercheurs « , p. 5-28.). Mais la seule mesure concrète avait été l’ouverture de la possibilité de congés pour recherche pour les jeunes en début de carrière.
M. Belloc a rencontré le 22 mai 2003 une délégation de QSF composée de MM. Antoine Compagnon et Pierre Merlin
Monsieur Belloc a indiqué qu’il souhaitait faire des propositions concrètes de modification du décret du 6 juin 1984 (déjà modifié à plusieurs reprises), portant notamment sur les services des enseignants-chercheurs.
L’évolution qu’il conçoit du décret du 6 juin 1984 n’aurait pas pour objet d’intégrer de nouvelles tâches au service des universitaires, mais de valoriser les tâches effectuées en plus de celles d’enseignement et de recherche. Il ne s’agit pas, dans son esprit, de transformer les enseignants-chercheurs en enseignants-administrateurs, mais au contraire d’amplifier la part de la recherche dans leurs activités à travers une modulation pluriannuelle de leurs services. Il distingue trois familles d’activités – l’enseignement, les responsabilités collectives (et non seulement administratives), et la recherche – entre lesquelles tout devrait pouvoir être négocié.
M. Belloc s’interroge sur les moyens de mettre en place des mécanismes incitatifs. Les primes en sont un. Mais la prime d’encadrement doctoral et de recherche (PEDR), la seule à ne pas pouvoir être transformable en décharge d’enseignement, devrait le devenir, ce que souhaitent de nombreux bénéficiaires de cette prime. Il faut laisser les établissements libres de doter des rémunérations pour aller au-delà du service moyen. Il estime également nécessaire de débloquer les carrières des professeurs. Il s’interroge sur la méthode qui permettrait de transformer des activités de recherche en heures d’enseignement. Il estime indispensable une évaluation individuelle de l’ensemble des activités. L’évaluation collective de la recherche est assurée par le CNRS et elle est publique, mais les présidents d’université n’ont pas connaissance des évaluations individuelles effectuées par le CNU, et celles-ci n’ont lieu qu’à l’occasion des demandes de promotion.
M. Belloc est conscient que de telles mesures sont contradictoires avec la volonté, affichée par le gouvernement, de procéder » à budget constant « .
La délégation QSF a rappelé l’attachement historique de l’Association à la modulation des services. Celle-ci avait été inscrite, à la demande de QSF, dans le décret du 6 juin 1984, mais, restée inappliquée, elle a été supprimée. QSF ne peut qu’être favorable à tout ce qui ira dans le sens d’une individualisation et d’une contractualisation des services des universitaires. Mais on peut être sceptique quant à la possibilité d’aller loin dans cette voie à l’heure où le priorité gouvernementale est de fonctionner à budget constant et de ne remplacer qu’un départ sur deux.
Elle a relevé une contradiction entre le souci d’une évaluation nationale de la recherche et une évaluation des activités des enseignants menée au plan local (celui des établissements). Elle a manifesté sa préférence pour :
– la pluralité des sources de financement de la recherche par des instances diverses (ce qui entraîne la pluralité des évaluations) ;
– la multiplication des échanges entre l’Université et le CNRS ;
– la nécessité de multiplier les congés sabbatiques (à cet égard, on peut regretter le retard, en 2003, de l’information sur les congés de la part du ministère) ;
– une inquiétude sur la globalisation des financements de la recherche et de primes.
La délégation QSF, faisant également allusion au projet de modification de la loi d’orientation de 1984, a souligné que les réformes envisagées allaient dans le sens d’une plus grande autonomie des universités, sans toutefois aller aussi loin sur ce plan que dans plusieurs pays industrialisés (Etats-Unis, Grande-Bretagne, etc.), mais sans que les contreparties nécessaires à cette autonomie – l’évaluation, voire la sanction des mauvais choix – soient clairement énoncées.
Elle a en outre rappelé que la modulation des services supposait qu’on aborde de front la situation des enseignants n’ayant pas d’activité de recherche ni de publication.
M . Belloc a exprimé qu’on pouvait être réservé sur la satisfaction de demandes purement quantitatives. Pour lui, » ce sont les projets qui font les moyens et pas l’inverse « . Il doit constater que les structures actuelles de l’université française ne sont pas favorables à la prise en compte de la dimension qualitative.
Il a exprimé son accord avec la délégation QSF pour estimer que le plus important était l’évaluation. L’évaluation a priori (comme les procédures d’habilitation des diplômes) ne sert à rien. Il convient de se limiter à caler les objectifs généraux par un contrat sur les objectifs et sur les critères d’évaluation et effectuer a posteriori une évaluation qui ne doit pas rester formelle et doit pouvoir conduire à des sanctions. L’idée a été lancée d’un rapport d’activité individuelle, mais qui sera chargé de l’examiner ? Le conseil scientifique ? En tout cas, probablement pas le Comité d’orientation stratégique que prévoit le projet de loi. En fait, il doit s’agir d’une véritable évaluation, ce qui dérange tout le monde. Mais il n’y a pas de véritable autonomie sans évaluation.
Par ailleurs, des questions plus concrètes ont été abordées au cours de cette réunion :
Les promotions ne devraient–elles pas plus clairement être motivées par les activités de recherche pour celles décidées par le CNU et par les activités pédagogiques et collectives pour celles décidées par l’établissement (c’est déjà le cas en pratique a fait observer la délégation QSF) ?
L’abondement par l’université des primes et décharges de service, à partir de sources financières extérieures, comporte des risques d’inégalité entre les disciplines (qu’un fonds commun peut atténuer mais non supprimer), de ruptures dans les services en fin de contrat extérieur (que l’intéressé devrait pouvoir anticiper) ;
La faible demande actuelle de congés pour recherche ou conversion thématique : la perte de la PEDR, des heures complémentaires, la crainte de ne pas retrouver leur service, et leurs responsabilités expliquent en partie cette demande relativement limitée.
La délégation QSF a retiré de cet entretien l’impression générale que la mission confiée à M. Belloc était quelque peu surréaliste dans le contexte des contraintes budgétaires draconiennes actuelles. M. Belloc ne semblait pas loin de partager cet avis, mais a estimé de son devoir de présenter au ministre des propositions concrètes. Par ailleurs, toute la discussion a fait ressortir l’importance prioritaire de l’évaluation et la difficulté à la mettre en œuvre de façon qui ne soit pas formelle.