Compte rendu de la réunion avec le cabinet et le directeur des enseignements supérieurs à propos du projet de loi sur l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur.
Le ministre de la Jeunesse, de l’Education nationale et de la Recherche a présenté le 19 mai au CNESER son projet de loi sur l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur annoncé dans la presse. De nombreuses organisations (SNESup, SGEN, UNEF) ont quitté la séance après l’exposé du ministre et un premier tour de table. Le texte devait être présenté au Conseil supérieur de l’éducation (CSE) mais, lors de la séance du 22 mai, il n’a pu l’être faute de quorum (une nouvelle convocation est lancée pour le 5 juin), par suite de l’absence de nombreuses organisations syndicales. Le Premier ministre a demandé au ministre de recevoir les organisations représentatives. C’est dans ce contexte qu’une délégation de QSF a été invitée par M. Reiffers, directeur-adjoint du cabinet, le 23 mai.
La réunion a commencé par un incident, la délégation QSF ayant, dans un premier temps, été refoulée à l’accueil du ministère, qui n’avait pas été informé. La délégation QSF a protesté contre :
Cet accueil pour le moins désagréable ;
Le fait que QSF n’ait pas été consulté sur le projet de loi avant la séance du CNESER, contrairement à d’autres organisations ;
Le fait que la demande d’entrevue avec le ministre, adressée il y a un an, soit demeurée sans suite malgré des promesses orales.
Les responsables du ministère – M. Monteil, directeur des enseignements supérieurs, M. Korolitski, chef de service, M. Abecassis et M. Saget, du cabinet du ministre (M. Reiffers a lui-même rejoint la réunion après un certain délai) – ont présenté leurs excuses pour ces maladresses et assuré la délégation QSF qu’il n’y avait aucun ostracisme à son égard.
Sur le fond, M. Monteil a brièvement rappelé les dispositions du projet de loi qui prévoit notamment :
– la possibilité pour les établissements de s’associer au sein d’établissements publics de coopération universitaire (article 2) ;
– la création, dans chaque établissement, d’un Comité d’orientation stratégique (COS), composé de personnalités qualifiées extérieures à l’établissement, chargé de faire des propositions sur la politique générale de l’établissement (article 3) ;
– la nécessité d’une évaluation par le Comité national d’évaluation avant tout renouvellement de contrat pluriannuel d’établissement (article 5) ;
– la composition du bureau élu sur proposition du Président (article 8) ;
– la possibilité de destitution du Président par les trois conseils qui doivent avoir élu un successeur (article 9) ;
– la possibilité pour les établissements de modifier leurs composantes (article 10) ;
– l’introduction du système de diplômes dit » LMD » (article 14) ;
– la globalisation des ressources financières et la possibilité, pour les établissements, de recruter des personnels sur des ressources autres qu’étatiques, celle de moduler les rémunérations des personnels payés sur la dotation de l’Etat dans la double limite d’une enveloppe limitative et d’un plafond de nombres d’emplois (article 16) ;
– la possibilité de transfert gratuit des bâtiments universitaires de l’Etat aux établissements qui en font la demande (article 17) ;
– la présidence de la Conférence des présidents d’université par un président élu en son sein (et non plus par le ministre avec un premier vice-président élu).
La délégation QSF a fait observer que, si la recherche d’une plus grande autonomie des établissements était souhaitable, l’autonomie est inséparable de l’évaluation a posteriori des résultats obtenus dans le cadre de cette autonomie. Il lui semblait que cette évaluation, certes très difficile à organiser par un texte législatif, était le point faible (article 5) du projet présenté. Le Conseil national d’évaluation (CNE), auquel cette évaluation serait confiée a-t-il les moyens d’évaluer sérieusement tous les établissements à chaque renouvellement de contart quadriennal ? Par ailleurs, jusqu’à présent, le ministère n’a guère tenu compte de ses avis : peut-on croire à une conversion subite ? Enfin, les évaluations du CNE ont été souvent peu sévères : peut-on imaginer qu’il souligne les dysfonctionnements réels et suggère des sanctions ? Une véritable évaluation suppose en effet émulation, incitation et possibilité de sanction. Par ailleurs, le ministère compte-t-il maintenir une évaluation parallèle par ses consultants et ses experts, évaluation qui est actuellement très insatisfaisante, voire inexistante (cf. habilitation des diplômes).
Outre cette question de l’évaluation, qui a constitué le point central de la discussion (qui a duré plus de deux heures), la question du rôle du CNU a été évoquée. La délégation QSF a émis fermement le vœu que, contrairement aux pratiques courantes depuis plusieurs décennies, les nominations soient effectuées sur des bases scientifiques et non de façon à renforcer ou à renverser selon les cas la majorité désignée par les électeurs (c’est surtout dans les disciplines non scientifiques que ces nominations » politiques » sont courantes).
Les représentants du ministère ont évoqué trois niveaux d’évaluation :
– évaluation de la politique de l’établissement (celui-ci est un bien public de la Nation et il perçoit de l’Etat la plus grande part de ses ressources) ;
– évaluation interne des activités de l’établissement (y compris évaluation par les étudiants);
– évaluation des ressources humaines (dont les enseignants-chercheurs).
Il a aussi souligné l’intérêt d’évaluations transversales (par discipline notamment ou par site), ce que le CNE a entrepris. Il souhaite que les évaluations du CNE soient plus tranchées. Il s’est déclaré partisan de rendre publique la liste des experts et de mieux s’assurer de leur reconnaissance scientifique. Mais il souligne, comme la délégation QSF le reconnaît, la difficulté de traduire dans un texte législatif ce qui doit avant tout résulter d’un changement d’état d’esprit.
La délégation QSF a reconnu la pertinence de ces trois niveaux et discuté des modalités d’évaluation à ce trois niveaux :
– la fusion du CNE et du Conseil national d’évaluation de la recherche (CNER) est-elle souhaitable. Le nouvel organisme y gagnerait en poids, mais une pluralité d’évaluations n’est-elle pas souhaitable ?
– l’évaluation interne des activités de l’établissement est très souhaitable : c’est le niveau le plus faible actuellement ;
– l’évaluation par les étudiants une bonne chose, mais peut comporter des effets pervers (attitude démagogique des enseignants) ; doit-elle être portée à la connaissance du CNU pour apprécier la dimension pédagogique, actuellement difficile à prendre en compte ?
– l’évaluation des équipes de recherche par le CNRS est sans doute la plus crédible, mais il reste le cas des équipes non liées aux grands organismes de recherche et celui de l’évaluation individuelle (le CNU n’a pas à connaître systématiquement du cas des universitaires, mais seulement à l’occasion des qualifications et des promotions).
La discussion a été plus brève sur les autres aspects du projet de loi.
Concernant le Comité d’orientation stratégique, la délégation QSF en a approuvé le principe, mais non la composition annoncée (rôle discutable des recteurs et des conseils économiques et sociaux régionaux). Les représentants du ministère semblent s’orienter vers une plus grande liberté des établissements, les seules conditions posées par la loi étant qu’il prenne en compte la dimension internationale, les forces économiques et sociales, les collectivités territoriales, et, bien sûr, les scientifiques. Il est conscient que, selon les choix effectués par les établissements, le COS pourra être une instance respectée ou une instance de complaisance.
La délégation QSF a pris note de l’abandon du projet permettant aux présidents (c’était une demande de la CPU) d’être réélus une fois. Le ministère envisage d’en allonger le mandat de cinq à six ans. Elle a souligné l’intérêt de pouvoir élire président un enseignant ou un chercheur extérieur.
Les dispositions relatives à la destitution du président par les trois conseils seraient abandonnées.
La délégation QSF a souligné que la globalisation des crédits de personnel, si elle allait dans le sens de l’autonomie des établissements, comportait des risques de dérive clientéliste et d’inégalités. Elle a souligné l’importance de relever le niveau des personnels administratifs ayant des postes de responsabilité (notamment les secrétaires généraux qui devraient être du niveau d’un administrateur civil).