Quoique attaché à la liberté de chaque liste QSF représentée au CNU, le Bureau de QSF a souhaité élaborer cette Note pour clarifier la position de l’association au regard de l’évaluation que devront effectuer les sections nouvellement élues en 2011.
I – A titre liminaire, QSF tient à souligner que le système français de recherche souffre depuis plusieurs années d’un excès d’évaluations collectives et individuelles, souvent très coûteuses et globalement inefficaces. Elle ajoute que, dans les faits, la première évaluation est le recrutement des enseignants-chercheurs et des chercheurs. C’est même l’évaluation la plus importante pour garantir la qualité du système de l’enseignement supérieur et de la recherche, et c’est elle qu’on devrait aussi songer à réformer pour atténuer l’importance des évaluations ultérieures.
II – Toutefois, le nouveau système d’évaluation imposé par l’article 6 du décret du 23 avril 2009 (sur le statut des enseignants-chercheurs) et par l’article 2 du décret du 23 avril 2009 (sur le CNU) impose à QSF de prendre position sur ce thème. Selon cet article 2, le CNU « procède à l’évaluation de l’ensemble des activités et de leur évolution éventuelle des enseignants-chercheurs […]. Cette évaluation est prise en compte pour les mesures relatives à la carrière des professeurs des universités et maîtres de conférences et à l’attribution de certaines primes et indemnités.
QSF a été hostile, dès le début, à une évaluation systématique et périodique (quadriennale) de tous les enseignants-chercheurs par le CNU, telle qu’elle a été organisée. En réalité, telle qu’elle est projetée, l’évaluation semble vouloir répondre à deux finalités assez différentes : la sélection des meilleurs enseignants-chercheurs candidats à une prime d’excellence scientifique et la prise en compte des résultats de l’évaluation pour imposer aux enseignants-chercheurs la modulation de service à la hausse qui a été le principal motif de la contestation du décret statutaire en 2009. La cohérence entre ces deux objectifs est problématique et elle explique la difficulté de la mise en œuvre de la réforme.
Le texte réglementaire de 2009 étant ambigu et vague, QSF entend participer à la discussion des sections en proposant de distinguer deux types d’évaluation.
1/ D’une part, QSF préconise de réserver une évaluation approfondie aux enseignants-chercheurs qui demandent une promotion au grade supérieur, un congé sabbatique, ou la prime d’excellence scientifique. Pour ce qui concerne les universitaires demandant l’attribution ou le renouvellement de la prime d’excellence scientifique, une telle évaluation permettrait de supprimer les comités ad hoc, nommés par le ministère dans des conditions peu transparentes et dont les critères ne sont pas connus de la communauté universitaire. Elle garantirait également l’uniformité de l’attribution de la PES, dans le respect de la collégialité académique. Dans ce dernier cas, cette évaluation devrait être clairement exprimée, selon un système de notation établi par chaque commission du CNU, de façon à éviter toute interprétation litigieuse de la part des conseils d’administration.
En outre, bien que le décret prévoie que le CNU « procède à l’évaluation de l’ensemble des activités », cette disposition n’est pas réaliste. Il va de soi que l’évaluation doit, au niveau national, prioritairement porter sur la recherche. Il est en effet très difficile pour le CNU d’apprécier si un collègue administre correctement son université, dirige bien un master pro, ou d’apprécier s’il enseigne correctement. Une logique de subsidiarité devrait prévaloir : la qualité d’enseignement et celle d’administration doivent être principalement examiné par les Universités tandis que le CNU devrait se concentrer sur les activités de recherche.
2/ D’autre part, une évaluation moins approfondie pourrait être effectuée, s’apparentant à un système de suivi de la carrière, pour des universitaires qui, n’ayant pas soumis leur dossier de carrière depuis quatre ans à un jury, à un conseil ou à une commission en dehors de leur université de rattachement, subiraient leur première évaluation nationale. Une telle évaluation aurait pour caractéristique de ne pas déboucher sur une notation (chiffre ou lettre), mais sur une observation en quelques lignes sur la manière dont l’universitaire remplit ses obligations. Une telle évaluation s’apparente à un compte rendu du travail de recherche et d’enseignement fait pendant une certaine période, et, en tant que telle, a vocation à se renouveler périodiquement. Les chercheurs du CNRS sont soumis à cette obligation minimale et on ne voit pas pourquoi les universitaires s’opposeraient à la mise en œuvre d’une telle obligation ainsi conçue.
Cette seconde évaluation aurait un double intérêt. Du point de vue des universitaires concernés, elle leur ferait bénéficier d’une expertise scientifique extérieure, qui les aiderait à développer ou réorienter leurs recherches. Du point de vue des universités, elle devrait les inciter à mettre en cohérence les recherches de ces universitaires avec le niveau de diplôme (Licence ou Master) où ils assurent leur service.
QSF tient ici à rappeler que ce second type d’évaluation ne saurait déboucher sur une obligation de « moduler » les services au sens où un collègue mal jugé pourrait se voir imposer un alourdissement de son service d’enseignement au delà des 192 h TD statutaires.
La pratique des sections du CNU devrait tendre à une rationalisation de la pratique de l’évaluation. La distinction ici effectuée montre qu’une évaluation « systématique et quadriennale » n’a pas de sens pour les universitaires qui auraient soumis un dossier à évaluation dans le cadre d’une procédure d’avancement, d’obtention d’une prime, d’une délégation quelconque (CNRS, IUF, etc.) ou d’un congé pour recherches.
Enfin, les autres finalités de l’évaluation, s’il y en a, doivent absolument être précisées avant l’application de la réforme. On ne saurait en particulier ignorer le danger de dévoiement de ces évaluations nationales par les instances locales. Aussi les limites de leur publicité et de l’usage qui pourra en être fait doivent absolument être définies par chaque section pour éviter une instrumentalisation contestable et orientée de l’évaluation nationale.
III – Par ailleurs, QSF considère que cette double activité d’évaluation devrait permettre au CNU de dresser un bilan quadriennal comprenant un rapport d’activité et la liste des publications, ne donnant lieu à aucune évaluation, mais permettant aux sections du CNU d’avoir un tableau synthétique des principales thématiques de recherche de chaque discipline. Le CNU pourrait ainsi dresser une liste de recommandations concernant les forces et les faiblesses que ferait apparaître un tel bilan.
IV – Etant obligée de réfléchir à cette question de l’évaluation dans le cadre d’une réglementation qui a été imposée, en 2009, aux universitaires par le ministère, QSF souligne que le système retenu par les décrets en question est à la fois inutilement bureaucratique et chronophage pour les universitaires siégeant au CNU.
QSF regrette vivement que d’autres solutions, qui auraient été plus adaptées n’aient pas été envisagées. Il suffirait que chaque université impose l’obligation à tout enseignant-chercheur de publier sa fiche d’activités annuelle d’une à deux pages sur le site de l’université d’appartenance. Une telle fiche qui recenserait ses diverses activités passées (enseignement, recherche, conférences, administration, activités accessoires, etc.) suffirait à avoir une information suffisante sur les collègues qui n’ont pas été évalués depuis longtemps. Elle serait bien moins lourde, et tout aussi efficace que le dispositif retenu en 2009, dont l’application ne manque pas de soulever de considérables difficultés pratiques et déontologiques.