QSF ne peut que se réjouir que se remette en place une réflexion autour de la formation des enseignants, victime principale de la « mastérisation des concours » du fait de la disparition de l’année de stage. L’ébauche de projet présentée le 15 octobre au CNESER par la Direction générale de l’Enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle peut cependant faire craindre un certain nombre de dérives :
1 – Le projet semble prévoir un recrutement massif d’enseignants dans les années à venir : ce recrutement, s’il est opéré hâtivement sans discernement – en recrutant par exemple d’un coup des milliers d’enseignants qui n’ont pas acquis le niveau imposé actuellement par les concours – peut affecter durablement la profession, tant pour ce qui est de la qualité de l’enseignement, ce qui nuirait aux élèves, que pour ce qui est de l’image et de la condition matérielle des enseignants, ce qui serait particulièrement dangereux à un moment où les vocations connaissent déjà une crise grave. Chacun sait par ailleurs combien ces recrutements « en dents de scie » sont mal ressentis par les étudiants qui préparent les concours. Il convient donc de ne pas substituer une logique purement quantitative à la logique qualitative.
2 – Les ESPE (Écoles supérieures du professorat et de l’éducation) vont reprendre la substance des IUFM. Leurs nouvelles responsabilités (on parle de « maîtres d’ouvrage » des masters d’enseignement) peuvent mener à une baisse du niveau exigé dans la formation disciplinaire, et au retour de l’endoctrinement « pédagogiste » qui a prévalu dans les années 1980-1990, avec des résultats encore plus désastreux. Dans un pays où l’enseignement public deviendrait incapable de transmettre les connaissances, les familles se tourneraient en masse vers des établissements privés, avec les inégalités de toute sorte que cela entraînerait.?Le statut de ces ESPE n’est pas plus clair en l’état présent du projet : tout en étant rattachées aux universités, leurs directeurs seraient nommés conjointement par les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Outre la complication de ce système, on peut se demander s’il est opportun de créer ainsi des organismes autonomes à l’intérieur de l’université, auxquels pourraient manquer les garanties de transparence et d’ouverture intellectuelle que l’on attend d’une formation universitaire.
3 – Un certain flou entoure le calendrier des concours. Selon l’une des hypothèses envisagées par le ministère, ils seraient placés à la fin du Master 1, le Master 2 étant réservé à la formation professionnalisante et aux stages. Selon une autre, seul l’écrit serait passé à la fin du Master 1, le Master 2 étant consacré à la préparation de l’oral, ainsi qu’aux stages et à la formation didactique. Dans les deux cas de figure, le nouveau dispositif conduirait à un raccourcissement de la formation disciplinaire pour le CAPES (et a fortiori pour l’agrégation si elle est alignée sur le CAPES) – et ce, alors que le niveau de la licence ne tend pas à s’élever. Il est impératif que le concours national du CAPES conserve un contenu disciplinaire significatif : les professeurs de demain ne pourront pas faire passer le goût de leur discipline s’ils n’en ont pas la maîtrise que procure un recul suffisant.