Sous prétexte de renforcer l’autonomie des universités, les ministres de l’Enseignement supérieur et de la Recherche n’ont eu de cesse ces dernières années de vider de tout contenu scientifique et didactique les libertés académiques. Les lois, les décrets et les arrêtés qu’ils ont adoptés sont tous inspirés du dirigisme centraliste. Ils sont aussi conformes à la vision de la Conférence des présidents d’université (CPU), qui croit que les solutions aux maux dont souffrent nos facultés relèvent du management.
QSF a critiqué dans plusieurs communiqués et tribunes cette atteinte systématique à l’autonomie des universitaires. QSF a aussi souligné l’incohérence d’un système législatif qui, au moment même où prétend tout régenter, laisse aux universités la liberté d’adopter des règlements locaux pouvant remettre en cause le cadre législatif national.
Le dernier exemple en est l’arrêté sur la réforme du doctorat. QSF avait déjà dénoncé dans un communiqué du 19 mars 2016 les incohérences et les lacunes d’un projet d’arrêté qui n’avait pas l’ambition de revaloriser le doctorat et qui s’immisçait dans des questions d’organisation (durée de la thèse, constitution des jurys, rôle de directeurs de recherche, mise en tutelle du directeur de thèse par le « comité de suivi », etc.), pour lesquelles les communautés scientifiques avaient des appréciations et des pratiques très différentes. La plupart de ces questions auraient pu être traitées dans le cadre des Écoles doctorales et des Conseils académiques en tenant compte des protocoles de recherche de chaque communauté disciplinaire.
Le ministère a voulu adopter un texte très détaillé, qui, loin de régler tous les cas, laisse la porte ouverte à des lectures pénalisant à la fois les directeurs de thèse et les doctorants.
L’arrêté du 25 mai prévoit plusieurs mesures qui modifient de manière radicale les précédents textes régissant les études doctorales. L’ensemble de ces mesures, entrées en vigueur le 1er septembre dernier, créée une véritable rupture avec le texte précédent, produisant l’existence en simultané de deux types de docteurs : le premier ayant obtenu une mention et ayant bénéficié de la présence du directeur de thèse à la délibération, le deuxième ne pouvant faire état que d’une « admission » et ne pouvant pas compter sur le rapport du directeur de thèse.
Or l’un et l’autre de ces docteurs peuvent demander la qualification aux fonctions de maître de conférences auprès du Conseil national des universités (CNU). L’évaluateur du CNU sera dès lors confronté à deux types de dossiers qui ne comportent pas les mêmes éléments. L’inégalité des conditions est frappante.
Si l’on peut raisonnablement espérer, cependant, que la clairvoyance et l’expérience des membres du CNU sauront pallier cette inégalité, la sagesse des membres du CNU ne pourra rien en revanche contre la rupture d’égalité qui va pénaliser les docteurs relevant du nouveau système de doctorat. Cette rupture est provoquée par la liberté laissée aux universités dans l’interprétation de l’article 18 de l’arrêté. Cet article, qui concerne la composition du jury de thèse, précise que « le directeur de thèse prend part au jury, mais ne prend pas part à la décision [au sens de délibération] ». Il est complété par l’article 19, relatif aux conditions de déroulement de la soutenance, qui dispose que « le président signe le rapport de soutenance, qui est contresigné par l’ensemble des membres du jury présent à la soutenance ».
Or plusieurs universités ont adopté, ou sont en train de le faire, des règlements qui prévoient que le directeur de thèse non seulement ne participe pas à la délibération mais qu’il ne peut pas non plus joindre son rapport au rapport final. D’autres universités semblent s’en tenir à une interprétation plus littérale de l’arrêté et autorisent le directeur de thèse à joindre son rapport au rapport final. Dans d’autres cas, il semblerait que l’on ait décidé que le directeur de thèse puisse être présent à la soutenance mais qu’il n’y participe pas. Il y a enfin des universités qui continuent de délivrer des mentions alors que les thèses sont désormais alignées sur les Habilitations à diriger des recherches, le jury se prononçant « sur l’admission ou l’ajournement ».
Ces différentes interprétations des articles 18 et 19 de l’arrêté aboutissent à une différence de traitement inacceptable pour les directeurs de thèse. Elles créent surtout les conditions d’une rupture du principe d’égalité pour les doctorants-docteurs, car lorsque leur éventuelle demande de qualification sera examinée par le CNU, les évaluateurs auront affaire selon les universités de provenance à des dossiers faisant état ou non d’une mention, et comportant ou le rapport du directeur de thèse. Or on connaît l’importance d’un tel rapport dans des disciplines où le regard du directeur de thèse peut apporter un éclairage essentiel.
Les articles 18 et 19 ne laissent pas au doute, selon QSF. Le premier prévoit que le directeur de thèse « participe » et non pas “assiste” à la soutenance de thèse ; le deuxième écrit que le rapport de thèse est « contresigné par l’ensemble de membres du jury », y compris donc par le directeur de thèse, qui participe donc à la rédaction du rapport au même titre que les autres membres du jury. L’absence de la contribution au rapport de soutenance paraît transformer la participation du directeur de thèse en simple présence. Il ne serait plus un membre effectif du jury dont il doit contresigner le rapport. Ce qui correspond selon QSF à une interprétation arbitraire des verbes « participer » et « contresigner ».
QSF demande instamment au ministère d’envoyer une circulaire à toutes les universités qui donne une interprétation claire et univoque des articles 18 et 19 de l’arrêté fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat et conservant au directeur de thèse le rôle que l’arrêté lui accorde et non pas celui, minorisé, que semblent vouloir lui donner certaines interprétations faites par des universités.
QSF invite les sections du CNU à se joindre à cette requête.