La ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Mme Najat Vallaud-Belkacem, a présenté le 4 octobre les grandes lignes du projet de loi concernant « la nouvelle organisation du cursus conduisant au diplôme national de Master ».
QSF estime que ce projet voulu par la ministre, appuyé par le Président de la République et inspiré par les associations d’étudiants, notamment par l’UNEF, n’est pas acceptable en l’état.
L’introduction de la compensation annuelle avait déjà contribué à la dévalorisation du diplôme de Licence ; il ne restait donc plus aux étudiants que le diplôme de Master comme diplôme vraiment solide et valorisant.
QSF dénonce la mystification intellectuelle et didactique de ce projet de loi. La sélection dont il est question, et dont le gouvernement fait la propagande dans la presse, n’est qu’un artifice rhétorique, un faux-semblant qui sert à dissimuler le fait que le ministère a cédé aux injonctions des syndicats d’étudiants, comme le démontrent les propos triomphalistes de leurs représentants. Alors qu’on s’acheminait vers la reconnaissance d’une sélection au niveau du master1, au lieu de celle effectuée en master2 (et confirmée par le décret du 25 mai 2016), et alors que même les présidents d’université semblaient la vouloir, le pouvoir en place a cédé au diktat des syndicats d’étudiants en leur concédant un droit d’admission en Master 1 pour tous les étudiants non sélectionnés par les équipes pédagogiques.
En effet, tel qu’il a été conçu, le projet de loi prévoit notamment que l’application du droit à la poursuite des études pour tout étudiant titulaire d’un diplôme de Licence sera « à la charge du recteur de la région académique concernée (là où l’étudiant a validé sa licence) » et qu’il appartiendra au recteur de faire trois propositions à l’étudiant « après échange avec les établissements d’enseignement supérieur accrédités […] de la région et éventuellement en accord avec les recteurs des autres régions académiques ». Une telle procédure vide la sélection opérée par les équipes pédagogiques de tout son sens et porte une atteinte inédite à l’autonomie des universités. Par-delà l’écran de fumée des mots, ce qu’il faut retenir de ce projet est que : 1) tout étudiant ayant un diplôme de Licence aura le droit de s’inscrire en Master quels que soient ses prérequis, sa formation et son projet de recherche ; 2) la décision d’inscrire un étudiant qui oppose son droit d’inscription au choix des équipes pédagogiques n’appartiendra plus aux universitaires mais au recteur ! Même le statu quo, pourtant très insatisfaisant, serait mieux qu’une telle “sélection”.
Au moment où l’on reconnait le droit des universités à sélectionner à l’entrée du M1, on ne peut établir le droit contraire à la poursuite des études, sans créer une situation de grave confusion et d’incertitude juridique. Le droit à la sélection n’aurait jamais empêché un étudiant non reçu dans telle formation à candidater dans une autre, car il est certain que les différents masters n’auraient pas été tous aussi exigeants les uns que les autres. Certes, tout étudiant détenteur d’une licence aurait le droit de demander l’inscription en master, mais les universités, si on leur accordait le droit de sélectionner, ne seraient pas contraintes à l’inscrire. Le Gouvernement aurait pu se limiter à créer un système de circulation de l’information, pour qu’un étudiant puisse faire un seul dossier et le présenter en plusieurs masters. Une nouvelle fois, comme en 2007, une réforme logique et rationnelle est interdite par le droit de veto que s’arrogent les syndicats d’étudiants en amont du Parlement.
En outre, ce projet a pour objectif, non avoué de créer un système universitaire à deux vitesses. Il est en effet probable que les étudiants non admis dans les filières de Master des universités les plus prestigieuses seront inscrits d’office par le recteur dans des universités moins “cotées”. La sélection et le droit à la poursuite des études ne seraient donc l’une et l’autre que des faux-semblants en miroir.
Enfin, par-delà la dissimulation qui le caractérise, ce projet témoigne, selon QSF, de la volonté de poursuivre l’œuvre de secondarisation de l’université française. Il est faux d’affirmer, comme le fait le ministère, qu’il n’y a pas de sélection aujourd’hui en Master. Elle existe entre le Master 1 (M1) et le Master 2 (M2) ; elle existe également, même si elle n’est pas formalisée, entre la Licence et le Master, car l’étudiant qui n’a eu son diplôme de Licence que grâce à la compensation sait aujourd’hui qu’il lui est difficile de passer la sélection entre le M1 et le M2 et renonce à poursuivre des études qui le mèneraient vers un échec programmé. Le fait qu’en gros deux-tiers des étudiants ayant obtenu un diplôme de Licence s’inscrivent en Master en témoigne. Avec l’introduction du droit à la poursuite des études en Master, tous les étudiants sauront qu’il leur suffira d’attendre la décision du recteur pour être (au pire à la troisième tentative) admis en Master.
QSF considère donc que ce projet de loi dévalorise le seul diplôme universitaire qui échappait encore à la démagogie égalitariste et réduit le mérite et le travail à de simples variables d’ajustement didactique. L’augmentation du taux de diplômés du deuxième cycle obtenu en baissant le niveau d’exigence et la qualité de la formation ne serait qu’un trompe-l’œil statistique et une déception cruelle pour des étudiants dont le diplôme de Master serait démonétisé.
QSF demande que l’accès au M1 soit sélectif et que l’admission soit décidée par les équipes pédagogiques responsables des filières de Master sur la base de quatre critères :
- a) Prérequis disciplinaires ;
- b) Qualité du parcours de formation en Licence dans la/les discipline(s) du Master choisi ;
- c) Cohérence du projet de recherche par rapport aux connaissances acquises ;
- d) Capacité d’accueil et d’encadrement du Master. Le professeur doit pouvoir encadrer et suivre l’ensemble des étudiants inscrits.
Ce projet de loi n’est cependant pas encore une loi de la République. QSF alerte donc les universitaires, ainsi que les étudiants qui croient encore à la qualité et à l’exigence de la formation universitaire sur les dangers d’une telle réforme et sur les menaces que cette fausse sélection représente pour la survie du deuxième cycle.