QSF réclamait depuis trente-cinq ans, de façon longtemps isolée, l’introduction d’une forme de sélection ou de prérequis à l’entrée à l’université; une meilleure orientation dès le lycée; une période de remise à niveau avant l’entrée en licence; la possibilité d’accélérer ou de modérer le rythme d’obtention de la licence selon les capacités et les souhaits des étudiants. Le Premier ministre et la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation ont annoncé lundi 30 octobre une réforme de l’accès à l’enseignement supérieur qui va prudemment dans ce sens.Intitulé Plan étudiants, le document diffusé par le ministère aborde en quatre grande parties différents aspects de l’« accompagnement » de chaque étudiant vers la réussite. Ce Plan, qui s’appuie sur un diagnostic de la sélection par l’échec et par le tirage au sort – diagnostic que QSF partage –, contient une série de mesures sur l’orientation qui méritent d’être soulignées : accompagnement individuel en classe de Terminale par deux professeurs principaux aidant les élèves à former leur projet d’études; intégration dans l’année de Terminale de deux semaines dédiées à l’orientation pour tous les élèves; examen par le conseil de classe du projet d’orientation de chaque élève ; meilleure information sur les contenus des formations du supérieur, les compétences requises pour y accéder et le taux de réussite. Les propositions concernant la formulation des vœux vont aussi dans le même sens, notamment la simplification de la plateforme et la réduction du nombre de vœux, qui ne seront plus hiérarchisés.
Le fait que chaque dossier d’inscription devra désormais faire l’objet d’une évaluation personnalisée, qui échappe donc à l’arbitraire d’algorithmes peu transparents, est un élément positif. L’institution de Commissions d’accès au supérieur pour chaque région académique pourrait donner une cohérence globale au dispositif de l’offre didactique régionale et nationale. En revanche, le choix de confier la présidence de ces commissions aux recteurs d’académie, avec le pouvoir d’affecter dans un établissement de leur région les bacheliers n’ayant pas reçu une réponse positive, semble limiter l’autonomie des universités et pourrait donner lieu à des contentieux dont il est impossible de prévoir l’importance. QSF invite la ministre à peser les avantages et inconvénients d’un tel dispositif, qui pourrait provoquer le transfert massif d’étudiants refusés par les filières dites « en tension » vers les filières qui n’auraient pas atteint leur capacité d’accueil.
QSF, qui avait dénoncé le tirage au sort, se réjouit que la ministre soit parvenue à l’abolir, comme elle s’y était engagée et comme l’avaient demandé la CNIL et la Cour des Comptes. Cela sera désormais possible grâce à l’introduction dans les filières «en tension» (droit, Paces, psychologie, Staps) d’une forme de sélection qui se fera en fonction de la capacité d’accueil de chaque filière et sur la base de prérequis (devenus, selon un néologisme administratif, des « attendus »). Ces «attendus», à défaut d’être prescriptifs, seront au moins prioritaires. Ce n’est peut-être pas assez, mais c’est un pas dans la bonne direction.
QSF constate avec soulagement que les prérequis ou «attendus» ne concernent pas exclusivement les compétences mais aussi les connaissances (p. 20) et qu’ils prennent en compte non seulement les résultats aux épreuves anticipées du baccalauréat mais également les bulletins trimestriels de la première et de la terminale (1er et 2e trimestre). La prise en compte de ces notes, que QSF avait également souhaitée, devrait permettre aux équipes pédagogiques d’évaluer le parcours du bachelier de manière plus précise et de proposer par conséquent des solutions pédagogiques mieux adaptées aux besoins de chacun.
L’application de ces «attendus» dans les filières qui ne sont pas « en tension » ne paraît pas encore, en revanche, clairement définie. Le document prévoit que «les formations non-sélectives n’auront pas la possibilité de refuser un bachelier si des places restent vacantes. En revanche, elles auront désormais la possibilité de conditionner l’inscription à l’acceptation d’un parcours pédagogique spécifique dans le cas où elles estiment que le bachelier n’a pas les attendus requis» (p. 22).
QSF ne peut que se réjouir que le principe d’une période propédeutique, que l’association avait proposée dans ses communiqués et ses tribunes, soit en partie retenu et que cette période soit une conditio sine qua non. Le choix en revanche de prévoir pour ces parcours l’obtention de crédits qui ne sont pas bien définis laisse la porte ouverte à des solutions démagogiques ou confuses. Le risque est celui de la création de licences à géométrie variable, la période propédeutique pouvant être intégrée ou non, selon les interprétations, à la licence. QSF estime que ce point demande à être précisé et que la période propédeutique doit donner lieu à une validation par l’équipe pédagogique. Sans cette évaluation, la période propédeutique ne fera que retarder d’un semestre ou d’une année la sélection par l’échec.
QSF avait également proposé la capitalisation des crédits selon un calendrier personnalisé approuvé par l’équipe pédagogique. Le Plan étudiants prévoit en effet une réorganisation des études de Licence (p. 28), qui pourront s’étaler sur une période allant de 2 ans (cursus accéléré) à plus de 3 ans. La « Licence sur mesure » prévue par le ministère correspond au principe de la capitalisation des crédits telle qu’elle avait été mise en place par les accords de Bologne. Pour qu’une telle adaptation aux capacités et au rythme de chaque étudiant donne lieu à l’acquisition des connaissances et des compétences liées aux unités d’enseignement, la compensation des notes, aberration pédagogique et malheureuse exception française, doit être abolie. Autrement, la «licence sur mesure» risquerait de devenir une licence obtenue à l’usure.
À plus forte raison, il ne doit pas y avoir de compensation des notes dans les «parcours pédagogiques spécifiques». La compensation serait la négation même de la propédeutique. QSF invite la ministre à poursuivre l’effort de mise en cohérence du dispositif pédagogique, sans lequel aucune véritable réussite n’est envisageable et l’échec ne pourra pas être réduit.
QSF estime que l’ensemble des mesures et des propositions que le gouvernement a présentées, avec des formulations dont on peut comprendre la prudence, pourrait contribuer à améliorer l’attractivité de l’université et à faire évoluer dans les prochaines années la qualité de la formation dans le secondaire, modifiant aussi l’approche par les lycéens de l’accès à l’enseignement supérieur.
Cela ne sera possible, cependant, qu’à quelques conditions :
- a) que soit renforcé l’enseignement secondaire pour permettre aux bacheliers d’être mieux formés et mieux préparés aux exigences de l’enseignement supérieur ;
- b) que les universités disposent des moyens adéquats pour mettre en place des parcours propédeutiques avec un encadrement pédagogique renforcé ;
- c) que soit créé un nombre suffisant de places dans les filières supérieures courtes à l’intention des bacheliers professionnels et technologiques ;
- d) que l’autonomie didactique des universités soit garantie et que les commissions d’accès au supérieur n’empiètent pas sur les libertés académiques ;
- e) que la compensation des notes soit abolie pour permettre une véritable capitalisation disciplinaire des crédits.
QSF, qui continuera d’être vigilant sur ces points, demande à la ministre d’aller au bout du processus qu’elle a lancé. Les mesures annoncées ne peuvent être qu’une première étape si l’on veut vraiment remettre l’université au cœur de l’enseignement supérieur et de l’économie de la connaissance.