Depuis plusieurs semaines et nonobstant l’amélioration sensible de la situation sanitaire en France, il semble admis par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, comme par bon nombre d’acteurs de la collectivité universitaire, que la prochaine rentrée s’effectuera en partie à distance. Une circulaire formulant des « principes et recommandations » pour préparer cette rentrée « jusqu’à ce que les conditions sanitaires redeviennent normales » est en cours d’élaboration et devrait alimenter les débats sur ce sujet.
Port obligatoire du masque, « maintien de la distanciation physique d’un mètre » dans les salles de TD comme de cours, « limitation du brassage des usagers » : l’hypothèse épidémiologique retenue paraît être celle d’une seconde vague ou du moins d’une persistance non isolée du virus à l’automne prochain. Cette hypothèse peut aujourd’hui apparaître pessimiste et appelle discussion.
Dans un tel contexte, QSF tient à rappeler son opposition de principe à un recours massif et à plus forte raison exclusif à l’enseignement à distance.
Support indispensable, voire substitut légitime pour la formation continue, l’enseignement à distance ne peut, dans le cadre de la formation initiale, constituer qu’un complément utile à l’enseignement en présentiel. Si la période de confinement dictée par la virulence de la pandémie a bien montré l’utilité des plateformes d’enseignement à distance, il reste qu’une transmission efficace du savoir implique une interaction et une concentration de l’attention que ces plateformes ne sauraient garantir. Comme l’avait déjà bien mis en évidence en 2014 le colloque de QSF sur les MOOCs – objets d’un engouement aussi onéreux que peu concluant -, un bon cours ne se vit que dans le temps présent. Il n’est pas indéfiniment reproductible à l’identique, sauf à perdre ce qui en fait la raison d’être : la capacité de mobiliser l’auditoire par adaptation instantanée à ses interrogations comme à ses marques d’intérêt.
Les projets de généralisation de l’enseignement à distance, qui pourraient tenter le ministère comme certains présidents d’université, ne répondent à aucune nécessité pédagogique, et il conviendrait de s’assurer qu’ils ne sont pas guidés par de purs calculs gestionnaires ou par des volontés de restructuration s’avançant… masquées.
En tout état de cause, la mise en place complexe du protocole envisagé pour cette rentrée devrait se fonder sur un bilan précis des mesures prises durant le confinement. Répertorier les expériences pédagogiques engagées, évaluer leur efficacité contre le décrochage étudiant, mesurer le surcroît de travail qu’elles ont exigé des enseignants, déterminer si elles sont reproductibles ab initio, c’est-à-dire en dehors d’une situation de crise caractérisée : tels sont les différents aspects du bilan à réaliser, afin de déterminer la viabilité d’une stratégie d’enseignement mixte, et de préparer un plan cohérent d’enseignement et d’évaluation à distance pour le cas où les universités devaient affronter à l’avenir un nouvel épisode de fermeture.
Bien des écueils ont caractérisé cette fermeture : une période initiale de flottement particulièrement anxiogène et dommageable pour les étudiants ; la défaillance de certaines instances universitaires qui n’ont pris leurs responsabilités ni pour faciliter la continuité pédagogique ni pour cadrer les validations des unités d’enseignement ; un investissement des enseignants-chercheurs à géométrie variable ; des modalités disparates d’enseignement et d’examen à distance. La définition par chaque université d’un « plan blanc pédagogique » devrait permettre d’éviter ces écueils.
QSF demande donc que le ministère,
– dresse, moyennant enquête auprès des universités, un bilan précis de l’expérience récemment acquise en matière d’enseignement à distance ;
– appelle les établissements à élaborer, sur cette base, un plan de continuité pédagogique et administrative, permettant, en cas de nouvelle alerte sanitaire, une réaction rapide, adaptée et coordonnée ;
– assouplisse dans toute la mesure du possible, selon l’évolution de la situation sanitaire, le protocole s’appliquant aux universités, afin de garantir le plus haut taux d’enseignement en présentiel ;
– garantisse les conditions de l’enseignement en présentiel et affiche clairement son caractère fondamental et prioritaire, n’excluant pas pour l’enseignement à distance le développement des outils appropriés.