Commentaires sur un Rapport, par Denis Kambouchner
Les procédures de recrutement sont, dans toute organisation, une étape essentielle dans un processus de gestion avisée des ressources humaines. Il en va de même pour le recrutement des enseignants-chercheurs.
Rapport sur le recrutement, p. 14.
Les critères de sélection […] tournent principalement, sans que cela soit du reste explicitement dit, autour des activités de recherche. Or, le recrutement d’un enseignant-chercheur est un élément d’une stratégie de ressources humaines qui met en jeu aussi, bien évidemment, les qualités pédagogiques, et d’autres qualités (savoir-vivre ensemble, capacité d’intégration et de partage des valeurs de l’établissement, adhésion aux valeurs de la fonction publique…).
Ibid., p. 15.
L’essentiel sur le rapport relatif au recrutement des enseignants-chercheurs
- Remise aux établissements d’un plein contrôle des recrutements et du suivi de carrière des universitaires.
- Introduction des grilles de compétences dans la formation doctorale.
- Remise en cause de l’intérêt de l’HDR.
- Réduction drastique des compétences du CNU.
- Allongement des processus de recrutement.
- Comités de sélection composés exclusivement de membres internes.
- Multiplication (peu claire) des voies d’accès au rang de professeur.
Le Rapport de la « Concertation sur le recrutement des enseignants-chercheurs » rédigé par Mme Fabienne Blaise et MM. Pierre Desbiolles et Patrick Gilli a été rendu public par le MESRI le 19 avril. Il appelle la plus grande attention.
Il y a d’abord l’erreur concertée de son titre : concertation est le terme imposé d’emblée par le Ministère, mais il est clairement abusif. De concertation il n’y a pas eu, si celle-ci implique un accord sur les conclusions. Seule a eu lieu une consultation dont le rapport a retenu certaines suggestions – QSF avait remis des propositions détaillées[1] – pour les agréger à l’exposé d’une doctrine sans doute en grande partie préconstituée.
Cette doctrine mérite qu’on s’y arrête.
Une révolution en marche ?
Un thème ressort particulièrement des premières pages du rapport : celui de la « culture de la défiance qui caractériserait les procédures françaises » en matière de recrutement. C’est cette défiance, celle des universitaires envers les jugements de leurs pairs, qui motiverait chez beaucoup d’entre eux la dénonciation du localisme et le constant appel à un contrôle national des processus de recrutement. Au contraire, les rapporteurs cherchent les moyens de restaurer la confiance « dans les institutions locales comme nationales » (p. 5) – mais dans celles-ci plus directement que dans celles-là, puisque, dans le cadre d’un « mouvement inéluctable d’autonomisation des universités » (p. 6), il s’agit de « faire reposer le recrutement des enseignants-chercheurs sur la décentralisation et la confiance envers les universitaires de l’établissement recruteur » (ibid.). « Avec la fin de la qualification pour les MCF titulaires et la possibilité de recrutement de MCF via l’expérimentation, les établissements se trouvent dès à présent investis de la responsabilité entière de définir les critères de recrutement de certains de leurs enseignants-chercheurs » (p. 22).
Le parti est donc clairement annoncé : grâce au renforcement de certaines formations et de certaines procédures, se rapprochant des « pratiques adoptées à l’international et plus spécifiquement en Europe » (lesquelles ne sont toutefois nulle part inventoriées), les instances internes aux établissements pourront recevoir le plein contrôle des recrutements, tout en échappant aux suspicions dont elles ont pu faire l’objet.
Précaution utile : il est précisé à l’adresse des enseignants-chercheurs que cette dévolution « ne remet nullement en cause » – il faudrait ici ajouter : par elle-même, jusqu’à nouvel ordre – « leur statut de fonctionnaires d’État » (p. 6).
Haro sur le CNU
Si, pour les rapporteurs, l’option décentralisatrice s’impose avec une telle évidence, c’est qu’ils décèlent une « tension majeure » dans « l’articulation entre, d’une part, la stratégie de l’établissement recruteur et employeur et, d’autre part, les missions d’une instance nationale comme le CNU » (p. 5). La responsabilité de cette tension, dont le rapport ne fournit aucun exemple, est imputée à l’instance nationale, sur laquelle le rapport multiplie (p. 20-21) les appréciations critiques. Le CNU, « spécificité française », se caractérise par des missions multiples (entendons : trop nombreuses), et par une « très grande diversité de pratiques entre sections » (p. 20). La procédure de nomination de certains de ses membres est jugée – à juste titre – opaque (p. 21). La diversité des habitudes et des doctrines entre ses sections apparaît paralysante pour son action institutionnelle : ainsi, un travail sur l’harmonisation de l’HDR n’a pu aboutir (p. 21), et « près de la moitié de ses sections » continuent de boycotter « le suivi de carrière, obligatoire aux termes de la loi » (p. 20). Il est donc heureux que « la LPR […] ouvre l’opportunité de redéfinir certaines des missions du CNU » (p. 22) et de clarifier son fonctionnement et ses modalités de gouvernance (p. 23-24).
Quelles devraient donc être, dans l’avenir, ces missions ? Elles semblent promises à une réduction drastique. La qualification PR pour les MCF titulaires est supprimée par l’article 5 de la LPR ; la qualification MCF est rendue facultative sur dérogation. Dans les élections aux postes MCF telles que le rapport les prévoit, il est question d’« étaler, pour les candidats admissibles, les phases d’audition depuis le début de l’année civile, sans attendre les résultats du CNU concernant la qualification » (p. 19 ; nous soulignons), ce qui montre le peu d’importance dorénavant accordée à cette qualification. Quant au suivi de carrière, dont les rapporteurs déplorent le blocage, « dans le cadre d’une autonomie toujours plus grande des établissements, ces derniers pourraient se saisir du suivi de carrière de leurs enseignants-chercheurs, en s’appuyant sur le CNU. Ce renversement de perspective nécessite un dialogue entre tous les acteurs concernés ». « Revoir l’articulation entre le CNU et les établissements » est un des leitmotive du rapport.
Mais que veut dire ici « s’appuyer sur le CNU » ? Vraisemblablement, le CNU ne pourra plus effectuer qu’un travail de cadrage. Tel est le seul rôle que le rapport lui reconnaît clairement : il s’agit de « donner au CNU une mission d’observatoire national des disciplines, en charge notamment de produire des données sur l’évolution disciplinaire de l’emploi scientifique et les besoins nouveaux qui se dessinent dans la discipline et à ses interfaces » (p. 24). En tant que tel, sera-t-il saisi des cas de confusion entre recherche et militantisme dans certains domaines disciplinaires ? Le rapport n’en dit rien (ce n’est pas son objet). Du moins le cadrage national de l’HDR lui sera-t-il confié, si toutefois l’HDR existe encore (voir plus bas).
Quant au suivi de carrière remis sans restriction aux organes qui dirigent les établissements (l’instance nationale en étant progressivement privée), on peut imaginer qu’il se transforme en un outil de contrôle arbitraire ou en un facteur de graves conflits, notamment en ouvrant la porte à la modulation des services que plusieurs gouvernements ont déjà tenté d’introduire. Mais ce point n’est pas discuté.
Doctorat encadré, HDR élargie (ou évanouie)
Pour ce qui concerne le doctorat, outre des recommandations sur les conditions d’inscription et sur le suivi de la thèse, le Rapport reprend l’une des préconisations de QSF, avec le principe d’une soutenance en deux temps (pré-soutenance à huis clos et soutenance après corrections). Les problèmes liés à l’absence de mentions sont évoqués sans être tranchés. Le Rapport pousse toutefois très loin le souci d’un encadrement qui ressemble à un formatage. Non seulement il s’agit de « rendre effectif le portfolio de compétences prévu par les textes » (p. 11), de définir des « blocs de compétences à acquérir durant les années de formation » (p. 8), et d’abord d’« encourager à une préparation au doctorat dès le master pour les étudiants qui souhaitent s’y engager, éventuellement en créditant des ECTS » (de quelle sorte de formation nouvelle peut-il s’agir ?), mais il y a lieu de « former les enseignants-chercheurs à l’encadrement des doctorants en les sensibilisant à la valorisation de blocs de compétences et aux questions d’insertion professionnelle ». La problématique hégémonique et très généralement navrante des compétences, à laquelle les formations doctorales ont jusqu’à présent résisté, tente ici une entrée en force.
Le propos concernant l’HDR apparaît beaucoup moins clair. À partir du constat d’une double hétérogénéité, celle des normes selon les disciplines et celle des attentes selon les établissements, le Rapport insiste sur la nécessité de mettre au point un cadrage national des attendus de l’HDR (p. 12). Dans le même esprit que celui prévu pour le doctorat, ce cadrage inclurait la définition des « formations à mettre en place durant la préparation de l’HDR » (p. 13), à savoir des formations des enseignants-chercheurs « aux enjeux de l’encadrement doctoral et de l’autonomie scientifique » (p. 14). Mais dans le cadrage de ces attendus, les établissements devraient aussi avoir un rôle :
« La fin de la qualification nationale, pour les maîtres de conférences titulaires, aux fonctions de professeur exige désormais des établissements qu’ils définissent eux-mêmes les compétences attendues de leurs futurs professeurs. Le périmètre des attendus de l’HDR reste donc à définir : faut-il que les établissements s’en tiennent aux seuls critères relevant de la recherche, conformément au libellé même du diplôme, ou doivent-ils introduire des critères relatifs à l’enseignement et aux prises de responsabilités administratives, quitte à modifier l’intitulé du diplôme ? » (p. 12).
En même temps que le cadrage des « attendus de l’HDR » s’ouvrirait… à autre chose qu’à ce qui concerne la recherche (jusqu’à justifier une nouvelle dénomination), sa responsabilité reviendrait aux établissements.
Ici, le lecteur perd son peu de latin. Mais ce n’est peut-être pas grave, si ce qui est envisagé est en réalité autre chose, à savoir la dispense d’HDR par les établissements eux-mêmes sur la base d’un dossier de candidature dûment constitué lui-même en « portefeuille de compétences ». L’urgence n’est-elle pas de « définir les compétences transversales attestées par l’HDR, en regard des quatre objectifs portés par l’arrêté du 23 novembre 1988 » et de « s’engager dans une convergence des attentes disciplinaires pour harmoniser les déroulés de carrière et réduire ainsi les écarts d’âge et de sexe constatés dans l’accès au grade de professeur », travail de convergence qui devrait « porter prioritairement sur les compétences transversales spécifiques aux fonctions de professeur » (p. 14) ?
L’horizon de la dispense d’HDR apparaît en effet p. 13 :
« Quelques interlocuteurs s’interrogent sur la nécessité de conserver l’HDR, au regard des pratiques internationales, le doctorat étant dans la plupart des pays le diplôme le plus élevé. Il serait dans ce cas nécessaire que le suivi de carrière permette de valider les compétences requises pour l’encadrement de doctorants. Les établissements pourraient alors dispenser d’HDR tous les candidats à un poste de professeur, sur la base de leur dossier de candidature, comme ils le font d’ores et déjà pour les candidats internationaux. »
La condition pour cette évolution décisive réside, d’une part, dans « la définition précise [sans doute en termes de compétences transversales] des missions spécifiques d’un professeur des universités », et d’autre part, dans « la mise en place effective du suivi de carrière » auquel l’instance nationale a jusqu’ici fait barrage.
Après publication, le 23 avril, d’un projet de décret sur la dispense de qualification PR confiée aux conseils académiques, un très prochain texte viendra sans aucun doute préciser les compétences en question.
Le tournant local des comités de sélection
Pour les procédures d’élection elles-mêmes, qui a parlé de progrès du localisme ? L’idée est balayée d’une phrase :
« La qualité des dossiers de candidatures (corrélée en partie à la rareté des postes et à la compétition accrue pour les obtenir) a agi dans le sens d’une amélioration du recrutement, avec des profils recherche des jeunes maîtres de conférences nettement plus fournis et plus internationaux que ceux des années précédentes. (p. 15) »
Quant aux postes de professeur, on lisait plus haut :
« Le taux de pression élevé des concours aboutit à des recrutements de maîtres de conférences dont le dossier scientifique et professionnel est de plus en plus fourni. Pour beaucoup, ils rentrent plus tard dans la carrière, notamment à la suite d’un ou plusieurs contrats postdoctoraux. Leurs profils peuvent les rendre très vite aptes à encadrer des doctorants et à passer professeurs plus rapidement, ce qui ne peut qu’améliorer l’attractivité du métier d’enseignant-chercheur. » (p. 13)
Les critiques légitimes ne portent donc pas sur les biais ou sur les résultats des procédures, mais sur leurs conditions pratiques. On retrouve ici plusieurs thèmes que QSF a soulevés : le temps par trop contraint consacré à l’examen des dossiers et aux auditions ; les problèmes liés à la définition des profils de postes ; la question de l’adéquation des recrutements avec l’ensemble des exigences du métier ; la parité F/H difficile à mettre en œuvre ; la question des mutations.
Plusieurs préconisations du rapport emportent l’adhésion : transparence et précision sur le profil du poste et les critères du recrutement ; défraiement des candidats auditionnés ; processus de recrutement allongé avec mise en situation professionnelle des candidats retenus après audition (l’une des demandes principales de QSF) ; effort à poursuivre pour faciliter leur intégration à l’université, leur ancrage local et leur entrée dans le métier.
Quant à la composition des comités de sélection, le parti adopté est clair et logique. Il s’agit de renoncer aux membres extérieurs, dont la présence est supposée aussi compliquée à garantir que la parité femmes/hommes :
« La double parité (femmes/hommes et internes/externes), généralement appréciée, n’est pas toujours simple à mettre à œuvre. La procédure de désignation des extérieurs est souvent critiquée. Leur indépendance a parfois été mise en doute, alors même que leur présence a été voulue pour apporter un regard non partisan et assurer l’impartialité du recrutement. » (p. 14)
Les comités seront donc composés de membres de l’établissement ou du site, avec un « référent recrutement » (p. 18), « représentant de l’établissement et sans droit de vote. » Celui-ci « participerait à plusieurs recrutements, à l’échelle d’une composante ou d’un établissement. Il apporterait ainsi un regard transversal et neutre sur l’ensemble des recrutements de la composante ou de l’établissement » (p. 17). Il serait seulement demandé à des experts extérieurs et ou internationaux « des avis écrits et détaillés sur les candidats auditionnés et sur leur adéquation au profil du poste » (p. 19).
Bien entendu, il conviendra de « former les membres des COS à la déontologie et aux biais de recrutement, notamment aux biais de genre » (p. 19). Mais dans l’ensemble, « il s’agit surtout d’établir une procédure de recrutement fondée sur la confiance entre pairs de l’établissement qui a fait ses preuves ailleurs » (sic, p. 17).
Pour ce qui concerne les recrutements de MCF sans qualification, autorisés par la LPR à titre dérogatoire et expérimental, le Rapport n’y trouve que des avantages, même si les inquiétudes exprimées doivent engager les établissements qui y recourront à « expliquer clairement à leur communauté les raisons pour lesquelles la procédure paraît adaptée et utile » (p. 25) :
« Cette expérimentation introduit la possibilité pour les établissements d’avoir une maîtrise entière de leur recrutement, sans dépendre d’une qualification quelquefois difficile à obtenir pour des profils atypiques. La suppression de l’étape de qualification donne également à l’établissement la maîtrise de son calendrier, puisqu’il peut procéder à des recrutements sans se synchroniser avec la session de qualification du CNU. » (ibid.)
La procédure est toutefois elle-même définie de manière assez particulière :
« Cette procédure de recrutement passe, aux termes de la loi, par une première phase d’instruction des dossiers des candidats non qualifiés […]. La mission préconise que cette première étape permette non seulement d’évaluer la qualité scientifique du candidat, mais également l’adéquation de son dossier au descriptif du poste. La mission suggère de demander au candidat de faire lui-même cet effort d’explicitation de l’adéquation de son dossier avec le poste. L’objectif est de simplifier le travail de sélection du COS et de réduire le risque d’embolisation de la procédure au moment de cette étape. » (p. 25)
Quelles indications les candidats devraient-ils fournir qui ne figurent pas dans la partie administrative de leur dossier ? S’agit-il pour eux de produire leur « portefeuille de compétences », ou de rédiger une lettre de motivation façon Parcoursup ?
Pour en revenir au point principal : la loi LRU avait placé, dans une large mesure, la composition des comités de sélection aux mains des directeurs d’équipe, avec des incidences directes sur les choix effectués. Aux yeux des rapporteurs, il ne semble pas que cette disposition puisse prêter à la moindre discussion ; au reste, le mot « équipe » est absent du rapport (sauf dans une citation en note, p. 18), et celui de « laboratoire » ne fait l’objet que de deux mentions mineures (p. 18 et 19). En cas de tropismes discutables de la part des directions d’équipe, comment un rééquilibrage des recrutements interviendra-t-il ? La question ne semble pas à poser.
L’urgence des promotions internes
L’une des préoccupations principales des rédacteurs du rapport apparaît dans le chapitre final (Évolution des voies d’accès au corps des professeurs des universités). Il s’agit de porter remède à un « déséquilibre entre les effectifs de professeurs et de maîtres de conférences » qui apparaît comme une « source de frustration et de mécontentement pour ces derniers, dont beaucoup soulignent qu’il aboutit à bloquer leurs perspectives d’évolution professionnelle » (p. 26).
Dans les trois secteurs : droit-économie-gestion, lettres et sciences humaines, sciences et techniques, le ratio PR/MCF tourne actuellement autour de 30/70. Pour la commission, et pour le ministère lui-même, ce ratio est à modifier, en premier lieu par une opération de « repyramidage » :
« Le repyramidage annoncé dans le cadre de la LPR répond en partie à cette attente de redonner des perspectives de carrière aux MCF. Pour la mission, il conviendrait cependant de s’assurer de la pérennité de cet effort de rééquilibrage pour éviter de nouveaux blocages mécaniques de carrière. L’objectif visé d’un ratio PR/MCF de l’ordre de 40/60, tel qu’il est envisagé par le repyramidage en cours, pourrait être maintenu sur le long terme. » (p. 27)
Les blocages de carrière sont-ils principalement d’ordre indiciaire ou d’ordre hiérarchique, ou également des deux ? Le Rapport n’entre pas dans ce détail. Il est indiscutable, d’une part, que l’échelle de rémunération des MCF demande à être nettement relevée (toutefois en harmonie avec celle des PR), d’autre part, que les MCF HDR sont très nombreux à attendre un changement de grade qui leur serait ou leur aurait été légitimement ouvert si, au cours des dernières années, le nombre de postes PR mis au concours avait augmenté au lieu d’avoir partout diminué. Au moment où des ouvertures de postes s’annoncent enfin – dans des conditions dont on voudrait croire qu’elles ne se traduiront pas par de nouvelles diminutions du nombre de postes MCF –, est-il indispensable de changer les modalités d’accès au rang magistral ? « Ce repyramidage », écrivent les rapporteurs, « oblige la communauté à s’engager dans une réflexion sur les modalités de promotion interne aux établissements et sur les critères qui seront adoptés pour assurer le passage, hors concours, du corps des maîtres de conférences à celui des professeurs » (p. 27).
Pourquoi faut-il prévoir des promotions « hors concours » ? Tous les collègues un peu anciens dans le rang magistral ont expérimenté ces pénibles parodies de concours à travers lesquelles il s’agit d’acter l’accès au rang magistral d’un collègue MCF du département concerné. On ne regrettera donc pas qu’il soit mis fin à ces comédies. Mais la question reste : pourquoi sanctuariser des promotions locales, plutôt que d’encourager la mobilité par la voie normale des concours – ce pour quoi l’on peut concevoir divers moyens ?
À cette question s’ajoute une démultiplication peu raisonnable des modalités desdites promotions. « Cette voie de promotion interne », précisent les rapporteurs, « est actuellement envisagée par liste d’aptitude » (p. 27) – liste(s) dont le principe n’a aucunement été évoqué dans ce qui précède. Ils ajoutent cependant :
« Des promotions du corps des maîtres de conférences à celui des professeurs pourraient être accordées en interne à l’établissement, la publication de concours externes étant priorisée sur des recrutements ouverts à tous les candidats, externes ou internes à l’établissement. Ces promotions internes pourraient concerner des maîtres de conférences investis dans leur fonction depuis 10 ans au moins, auxquels est destinée la promotion par liste d’aptitude. Elles pourraient également concerner des maîtres de conférences recrutés depuis moins de 10 ans, très investis, que l’établissement souhaiterait stabiliser rapidement sur des fonctions de professeur. Cette voie de « promotion rapide », différente de la liste d’aptitude, reste à mettre en place. » (p. 28)
Nous aurions donc (a) les concours normaux, ouverts aux candidatures internes et externes ; (b) les promotions sans concours sur liste d’aptitude (= ?) ; (c) les promotions internes hors liste d’aptitude, réservées aux collègues « très investis » ; à quoi s’ajoutent (d) les chaires de professeurs juniors, évoquées par le questionnaire de la consultation, mais dont le présent Rapport ne dit pas un mot.
Cela finit par faire tant de régimes exceptionnels que l’idée d’un régime normal perd son sens. C’est ce que les rapporteurs semblent reconnaître p. 28 : « L’entrée de ces voies dans la ‘boîte à outils’ des établissements devrait conduire à s’interroger sur la nécessité de maintenir la diversité actuelle de concours permettant l’accès au corps des professeurs. »
Mais voici pour finir leurs préconisations, qui valent d’être citées quasi intégralement (p. 29) :
« – Mettre en place des voies de promotion interne aux établissements permettant aux maîtres de conférences d’accéder au corps des professeurs : – Pérenniser la promotion interne par liste d’aptitude pour les maîtres de conférences recrutés depuis au moins 10 ans ; – Ouvrir une voie rapide de promotion interne hors concours, en s’inspirant de dispositifs de promotion déjà existants ; – Veiller à ce que le calibrage des promotions internes n’obère ni la mobilité entre établissements, ni la diversité des recrutements permises par les concours.
– Utiliser la voie du concours (type 46.1), qui doit rester majoritaire, pour les recrutements ouverts.
– S’interroger sur la nécessité de conserver une multitude de concours de recrutements pour accéder au corps des professeurs des universités, si des voies de promotions internes devaient être mises en place. «
Comment s’y retrouver ? Comprenne qui pourra. Ce qui est clair est que la promotion interne de collègues qui ne seraient prédisposés à obtenir ni l’HDR, ni feue la qualification PR, constitue l’un des objectifs centraux du présent Rapport, aux termes duquel, en un mot, les présidents d’université devraient pouvoir promouvoir qui ils jugent bon. Au-delà de la satisfaction de certaines attentes de type syndical, croit-on sincèrement contribuer, de la sorte, au dynamisme des universités françaises ? L’avenir est-il à chercher exclusivement du côté de la dérégulation ? La qualification nationale n’avait-elle en elle-même aucune vertu ? Le CNU, dont la composition peut certes être discutée, peut-il être sans dommage privé de son rôle régulateur ? Ces questions aurait exigé une réflexion beaucoup moins unilatérale. Elles appellent toujours un débat et une concertation auxquels le MESRI s’est jusqu’ici obstinément refusé.