« L’association pour la “Qualité de la science française” (QSF), créée en 1982 à l’initiative de Laurent Schwartz, a pour mission de défendre et de promouvoir la qualité et la créativité de l’enseignement supérieur et de la recherche en France, conditions indispensables de la compétitivité de la science, du développement de l’économie, et de la diffusion de la culture. »
Ces quelques mots de présentation de QSF sur le site disent tout, sur ce qu’est l’engagement de QSF (depuis 40 ans), et sur son action aussi bien auprès du ministère, au CNU et au CNESER. Ils marquent clairement le refus de tout corporatisme, de quelque bord qu’il soit, la volonté que l’université soit un haut lieu de création et de recherche sans sclérose, l’attachement à une certaine idée de l’enseignement supérieur, favorisant l’excellence, le débat au plus haut niveau international et reposant sur des critères scientifiques qui sont les fondements aussi bien de la formation des étudiants, du recrutement des enseignants-chercheurs que des travaux qui en sont issus, seul moyen de fonder une université française qui soit au centre de la société et de niveau international. Ces valeurs m’ont pleinement convaincue, dès que je me suis engagée, non pas en 1982, mais en 1999 pour le CNU de la 9e section où la liste QSF dirigée par Philippe Hamon a emporté la majorité. L’université a depuis beaucoup changé, la société aussi de même que les modes de diffusion des savoirs, et peut-être même la conception de la culture, mais QSF a gardé ses valeurs, luttant contre le localisme, contre les conformismes, les modes, l’intolérance et tout ce qui entrave la pensée, faisant des propositions qui ne soient pas dictées par de l’opportunisme, mais énoncées pour une meilleure qualité de l’enseignement supérieur et se battant pour une université qui soit conforme à un certain idéal en faisant entendre sa voix au plus haut niveau, même parfois sans résultat, et en dépassant les clivages politiques.
C’est avec cette ambition de continuer ce travail continu d’argumentation et de réflexion que je me présente à la présidence de QSF, en souhaitant faire entendre cette voix originale, qui dérange, inspire parfois, mais surtout se veut l’expression de ceux qui ont comme valeur suprême le savoir et tiennent à ce que l’université française et les institutions de recherche soient reconnus au sein de la société comme des éléments indispensables et même des vitrines de ce qu’est la science, dans son acception la plus large et au niveau international.
De grandes évolutions se sont produites ces dernières années, à l’initiative des gouvernements successifs, mais aussi à la suite des transformations de la société, avec des situations assez contradictoires : de nouveaux sigles sont apparus pour désigner de nouvelles gouvernances universitaires (COMUE, PRES, EPE…) et des lieux d’évaluation du système universitaire (AERES, HCERES), les universités changent de nom, se regroupent dans des associations parfois inédites, visent des associations européennes plus fortes que les anciens programmes ERASMUS. Les transformations budgétaires aboutissent au paradoxe de grands projets financés (programmes IDEX, LABEX, EQUIPEX, ANR, ERC…), et d’une situation financière des universités parfois précaire. De même sont affirmées des ambitions internationales tant dans la recherche que dans la formation, mais dans le recrutement des enseignants-chercheurs, une instance nationale, le CNU, est souvent contournée au profit d’élections locales, dont les principes et les critères ne sont pas d’une clarté absolue avec les textes récents sur le pyramidage. Quant aux doctorants, sont affirmés la volonté d’une formation d’excellence et le souhait de les protéger, ce qui se traduit pourtant par un alourdissement parfois abêtissant plus que stimulant de leur tâche, alors que l’on voit des signes de l’affaiblissement des vocations scientifiques. Enfin, si l’université tente d’accéder à un certain professionnalisme de son administration, censé alléger la tâche des enseignants-chercheurs, la réalité quotidienne révèle une pesanteur des procédures et des démarches, voire de contraintes nouvelles.
Ainsi les mots-clés de QSF demeurent toujours valides : refus du localisme, exigences intellectuelles, liberté académique et l’association est essentielle pour les rappeler et pour suggérer des pistes et des réflexions par ses communiqués, ses tribunes et ses interventions. C’est aussi un lieu de débat et de confrontation d’idées, ce que j’ai pu mesurer quand il s’est agi de mener une réflexion sur les modalités de recrutement des enseignements-chercheurs : les pro-CNU et les anti-CNU s’affrontaient, pour aboutir à un texte qui tentait de transformer sans détruire et d’apporter une solution qui favorise la souplesse. Cette diversité d’opinion, qui, pour moi, est absolument nécessaire à tout débat universitaire, me paraît non pas une faiblesse de QSF mais le signe de sa vitalité intellectuelle, ce qu’ont démontré les présidents qui se sont succédés à sa tête, à la fois brillants chercheurs et soucieux de s’engager fortement pour la qualité de la science, sans considérer qu’il s’agissait d’une perte de temps. Il n’est sans doute pas anodin, qu’au pays de Descartes, le dernier président s’occupe justement d’une édition de ce philosophe ! C’est en tout cas ce débat intellectuel autour de l’université et en phase avec son époque, que je souhaiterais favoriser en tant que présidente pour que QSF continue à être la force de proposition –ou d’opposition- qu’elle a été et s’inscrive pleinement dans le panorama actuel de l’enseignement supérieur avec la mobilisation de tous, jeunes ou moins jeunes, universitaires et chercheurs, littéraires, scientifiques et juristes, pour une université qui soit plus forte et mieux reconnue.