La grave crise démocratique que traverse la Turquie de Recep Tayyip Erdogan depuis la tentative du coup d’Etat appelle toutes les consciences libres européennes à une réaction ferme et courageuse. Dans une forme de contre-coup d’État, ce sont les libertés fondamentales qui sont menacées et mises au pas dans le pays où Mustapha Kemal (Atatürk) avait, bien avant la France, accordé par exemple le droit de vote aux femmes. Comme souvent dans les répressions qui s’inspirent de principes autoritaires, les universitaires qui ne sont ni inféodés au régime islamique, ni impliqués dans le système güléniste qui a infiltré la société turque, sont parmi les premières victimes des purges actuelles. Ils avaient été déjà victimes de la part du pouvoir d’un harcèlement pour avoir signé en 2014 un appel pour la paix au Kurdistan turc. Mais cette fois, le harcèlement se transforme en répression après le coup d’Etat raté : plusieurs milliers d’entre eux ont été suspendus, leurs passeports ont été confisqués. Les libertés académiques sont aussi menacées, car le régime considère l’exercice de l’esprit critique, la formation de la connaissance, la transmission d’un savoir libre de tous préjugés idéologiques comme le principal obstacle à l’édification d’un État asservi au Parti de la justice et du développement (AKP) qui, en utilisant en partie les méthodes kémalistes, se défait en réalité de son héritage laïque, de ses legs démocratiques.
QSF est très inquiet pour le sort de ces milliers d’universitaires qui sont privés des libertés fondamentales et qui sont interdits de circulation. QSF s’associe à la pétition lancée par la Conférence des présidents d’université (CPU) et appelle tous les universitaires français à témoigner leur solidarité aux collègues turcs en signant cette pétition.
QSF demande aussi au MESR la publication d’une condamnation officielle sur son propre site.
QSF invite également la CPU et le Ministère de l’enseignement supérieur et de la Recherche (MESR) à tout faire pour que les échanges ERASMUS avec les universités turques puissent être préservés, tout en veillant à ce que la sécurité des étudiants concernés, surtout lorsqu’ils sont d’origine turque, soit garantie. La suppression de ces échanges risquerait de pénaliser encore plus les collègues et les étudiants turcs, privant les universités de ce pays de la relation vitale avec la recherche internationale.
Les mêmes conditions de sécurité doivent être garanties aux nombreux collègues binationaux, franco-turcs, fonctionnaires de l’État français, dont les recherches exigent qu’ils se rendent régulièrement en Turquie, où ils sont de plus en plus l’objet de menaces inadmissibles. QSF demande aux autorités françaises de signifier au gouvernement turc qu’elles ne toléreront aucune intimidation de ses universitaires.
QSF appelle également la CPU, les présidents d’universités et le MESR à prendre toutes les dispositions administratives et budgétaires pour que le plus grand nombre d’universitaires turcs puisse être accueilli comme professeurs invités dans nos universités à la rentrée académique.
En effet, la Turquie a eu une grande tradition universitaire d’ouverture. L’université d’Istanbul a accueilli, au milieu des années 1930 un grand nombre d’universitaires juifs allemands, persécutés par le nazisme. Des figures exceptionnelles de la culture européenne de ces années obscures, comme celles des philologues Leo Spitzer et Erich Auerbach ou du philosophe Hans Reichenbach ont bénéficié de l’hospitalité turque, de l’atmosphère cosmopolite que les universités stambouliotes offraient aux universitaires européens exilés. La France s’honorerait donc d’accueillir dans ses universités les universitaires turcs victimes du régime ou persécutés par l’AKP, comme elle le fit dans le passé pour d’autres universitaires victimes de régimes autoritaires.
QSF invite le gouvernement français à inciter les pays européens à prendre une initiative analogue. L’Europe trouverait là une occasion de prouver qu’elle existe encore et que ses valeurs s’expriment de manière généreuse et concrète.