Le 27 avril dernier, le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a publié au Bulletin officiel une circulaire informant des modalités prévues pour départager les futurs bacheliers candidats aux filières universitaires en tension (psychologie, droit, sciences et techniques des activités physiques et sportives – STAPS), instaurant officiellement le tirage au sort à l’université.
QSF est opposé à une telle procédure. Le tirage au sort est contraire à l’esprit et à la lettre de la loi et installe le hasard au-dessus des critères pédagogiques qui pourraient permettre d’orienter les bacheliers souhaitant s’inscrire à l’université et qui favoriseraient leur réussite.
Les circonstances qui ont abouti à la publication de cette déplorable circulaire, publiée dans les derniers jours d’exercice de l’actuel gouvernement, méritent d’être rappelées.
Le 16 juin 2016, le tribunal administratif de Bordeaux annule la décision du recteur de l’académie de Bordeaux de ne pas inscrire un étudiant en première année de licence de STAPS à l’Université de Bordeaux. Le tribunal précise que son jugement « a pour effet de saisir à nouveau le recteur de l’académie de la demande » de l’étudiant, au cas où ce dernier souhaiterait présenter à nouveau sa candidature. Le tribunal s’appuie sur l’article L. 612-3 du Code de l’éducation, qui ne mentionne pas le procédé du tirage au sort et qui dispose que « lorsque l’effectif des candidatures excède les capacités d’accueil d’un établissement, (…) les inscriptions sont prononcées selon une réglementation établie par le ministre chargé de l’Enseignement supérieur, en fonction du domicile, de la situation de famille du candidat et des préférences exprimées par celui-ci ».
À la fin du mois de janvier 2017, le ministère de tutelle des universités envisage de présenter devant le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) un projet d’arrêté visant à légaliser le tirage au sort à l’université. Devant le refus unanime de la communauté universitaire, le gouvernement recule à la dernière minute. Le secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, M. Thierry Mandon, déclare solennellement quelques jours plus tard : « J’ai la volonté, même si je ne serai pas comptable de la prochaine rentrée, de faire disparaître le tirage au sort à l’université ». Sollicité par le journaliste qui lui demandait s’il avait l’intention de remettre le projet d’arrêté à l’ordre du jour du CNESER avant la fin du quinquennat, M. Mandon répond alors de manière lapidaire : « Non » (EducPros, 6 février 2017).
Or la circulaire publiée le 27 avril dernier reprend mot pour mot l’article 1 du projet d’arrêté retiré en janvier dernier, l’élargissant à l’ensemble des filières universitaires, puisque la forte augmentation du nombre d’étudiants prévue dans les prochaines années pourrait mettre « en tension » un nombre croissant d’entre elles, faisant ainsi du tirage au sort la voie “normale” pour accéder à l’université, en instaurant la forme de sélection la plus aléatoire qui soit.
Par-delà le reniement de la part de M. Mandon des propos tenus publiquement seulement deux mois plus tôt, QSF dénonce la volonté du gouvernement de passer en force dans les derniers jours de sa mandature en bafouant la parole donnée et en ne respectant pas l’avis pour une fois unanime de la communauté universitaire.
Contrairement à ce qu’affirment le secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur et à la Recherche et le cabinet de Mme la ministre Najat Vallaud-Belkacem, cette circulaire ne permettra pas de sécuriser juridiquement les pratiques actuellement en vigueur dans les universités. En hiérarchisant les critères mentionnés par le Code de l’éducation et en introduisant un nouveau critère, le tirage au sort, ce texte ne se limite pas, en effet, à préciser le sens des textes législatifs ou réglementaires mais ajoute des conditions par simple voie de circulaire. Cette circulaire pourra donc être facilement attaquée devant les tribunaux administratifs, rendant encore plus chaotique la rentrée académique 2017.
QSF considère que le procédé de la sélection par le tirage au sort à l’entrée de l’université place l’égalitarisme de la chance au-dessus de l’égalité des chances, qui, elle, ne peut s’appuyer que sur des connaissances et des compétences en adéquation avec la filière choisie et sur un projet d’études validé et approuvé par l’équipe pédagogique. En choisissant de privilégier la roue de la Fortune, le ministère fait preuve à la fois de cynisme, d’incompétence juridique et d’une forme de lâcheté, cédant à ces organisations d’étudiants qui sont opposées pour des raisons de clientélisme syndical à l’orientation par les prérequis disciplinaires.
Le problème de la gestion du flux croissant d’étudiants universitaires met en danger l’avenir des filières les plus exposées au choix par défaut, alors que l’augmentation du nombre d’étudiants pourrait constituer un atout important pour nos universités. Pour qu’il en soit ainsi, les responsables politiques et les présidents d’université ne doivent pas céder au chantage de quelques organisations qui ne représentent que 5 ou 6 % des étudiants universitaires. QSF rappelle que la procédure du tirage au sort, qui concerne déjà aujourd’hui quelques milliers d’étudiants, pourrait s’appliquer dans les prochaines années à plusieurs dizaines de milliers de néo-bacheliers, pénalisant injustement les générations futures et renforçant l’image négative de l’université française à l’intérieur et à l’extérieur des frontières de l’Hexagone.
QSF demande instamment au ministère de retirer la circulaire du 27 avril et de laisser la décision concernant l’inscription dans les filières « en tension » au nouveau ministre de tutelle.
QSF propose au ministre qui sera bientôt en charge de l’enseignement supérieur d’ouvrir une concertation urgente entre les organisations représentatives et la Conférence des présidents d’université qui permette de fonder l’accès à l’université sur une orientation garantissant une véritable égalité des chances. Il en va de l’avenir de nos facultés et de tous les étudiants qui privilégient encore la qualité de la formation universitaire.