La liberté académique est, selon la formule du doyen Vedel, une « liberté faite de libertés ». QSF n’a cessé de défendre depuis sa fondation ces libertés consubstantielles à la liberté académique que sont la liberté de la recherche, la liberté d’enseignement et la liberté d’expression. Il l’a fait à travers des tribunes, des communiqués, des ouvrages publiés par plusieurs de ses membres (entre autres, O. Beaud, Les libertés universitaires à l’abandon ?, Dalloz, 2010), ou encore dans un colloque organisé en 2016 à la Sorbonne.
Or, bien que le doyen Vedel ait réussi à faire reconnaître par le Conseil constitutionnel en 1984 la valeur constitutionnelle du principe d’indépendance des universitaires, la liberté académique est constamment menacée, de l’extérieur de nos universités autant que de l’intérieur. La nécessité même de ce droit fondamental de l’universitaire est de moins en moins reconnue par la société, de plus en plus remise en cause par les tribunaux et déconsidérée par une partie même de la communauté scientifique. C’est ce que rappellent avec force deux tribunes signées l’une par Pierre Jourde, universitaire et écrivain, l’autre par Olivier Beaud, juriste et président d’honneur de QSF, publiées la première dans le Nouvel Obs du 9 avril et la seconde dans Le Monde du 11 avril.
Le 10 avril, trois associations européennes (European University Association, All Europeran Academies, Science Europe), qui représentent une part importante du système européen de la recherche ont tenu à souligner que « However, research can only contribute to a prosperous and sustainable future if it is conducted according to certain fundamental principles », et ont appelé solennellement « governments and public authorities to protect academic freedom and safeguard the institutional autonomy of higher education and research institutions ».
Des atteintes de plus en plus nombreuses à la liberté académique justifient ces mises en garde et cet appel. Quatre cas représentatifs de la diversité des menaces qui pèsent sur l’indépendance des chercheurs sont évoqués dans les deux tribunes citées. Il s’agit de la décision de l’Agence française du développement de faire suspendre un numéro spécial de la revue Afrique contemporaine (dont elle est l’un des principaux financeurs), consacré à l’intervention de la France au Mali ; des actions mises en œuvre par des ultra-nationalistes polonais pour empêcher des chercheurs de présenter leurs travaux sur « la nouvelle école polonaise d’histoire de la Shoah », lors d’un colloque organisé à l’EHESS ; de l’intimidation dont été victimes des chercheurs de l’EHESS pris pour cibles par d’autres membres de leur École dans des tracts anonymes, et traités de « collaborateurs » pour le simple fait d’avoir accepté l’invitation du président de la République à participer au Grand débat ; de l’annulation déplorable de la représentation d’une pièce d’Eschyle, Les suppliantes, provoquée par des groupuscules soi-disant antiracistes et par l’UNEF.
Un cinquième cas met en lumière le rôle souvent ambigu que peuvent jouer certains administrateurs de la recherche lorsqu’ils oublient que leur première mission devrait être de défendre la liberté académique de leurs collègues. Il s’agit de la création à l’Université Paris-Sciences-et-Lettres (PSL) d’une nouvelle licence, baptisée “Licence impact positif”, financée par BNP Paribas, et comportant des clauses de confidentialité et surtout de non-dénigrement protégeant le bailleur de fonds. Circonstance aggravante, que révélait une dépêche de l’AEF du 1er mars dernier, la convention de mécénat avait été approuvée dans un premier temps par PSL sans même l’aval de son conseil d’administration.
QSF appelle la communauté universitaire et toutes les organisations représentatives à défendre la liberté académique, qui est à la fois un droit individuel et un bien public. La liberté d’expression dans l’université, qui est aussi liberté de critique dans le respect de la liberté d’expression d’autrui, est profondément liée à la liberté académique, qui repose à son tour sur la reconnaissance du savoir et sur des normes scientifiques et éthiques rigoureuses.
QSF demande à la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation de faire inscrire dans le préambule de la prochaine loi de programmation de la recherche la protection des trois libertés constitutives de la liberté académique. Ces libertés sont une condition essentielle d’une science non asservie à d’autres fins que celle de faire progresser la connaissance et de faire prospérer nos sociétés.