Dans un communiqué en date du 23 octobre, la Conférence des Présidents d’Université a fait part de l’émotion suscitée par les propos du ministre de l’Éducation nationale qui, dans une émission de radio puis à l’Assemblée nationale, a présenté les universités comme des lieux où « ce qu’on appelle communément islamo-gauchisme fait des ravages ». Ces déclarations comme le communiqué de la CPU ont été largement commentés dans la presse et sur les réseaux sociaux.
QSF estime très problématique l’usage du terme d’« islamo-gauchisme », qui est aussi connoté politiquement que dépourvu d’un sens clair. Il ne peut être question pour aucun mouvement de gauche ou d’extrême-gauche d’approuver les projets totalitaires de l’Islam radical et les crimes commis en son nom. En revanche, le souci de défendre les minorités, notamment de confession musulmane, a pu conduire en effet certains de ces mouvements à sous-estimer les dangers que l’Islam radical fait courir à la République, à refuser toute condamnation nette de ses entreprises et de son idéologie, ou à risquer des alliances avec des groupes au discours douteux et aux visées suspectes.
L’Université dans son ensemble se caractérise par une très grande diversité de recherches et de formations. Plus que toute autre institution, elle contribue quotidiennement au développement des savoirs critiques. Ni de près ni de loin, elle n’a de responsabilité dans les horreurs commises encore récemment par des djihadistes novices ou aguerris. La présenter comme gangrenée par « une idéologie qui ensuite, de loin en loin, mène au pire » est donc deux fois excessif.
Pour autant, QSF tient la réplique de la CPU au ministre de l’Éducation nationale pour insuffisante et lénifiante.
D’une part, il fait peu de doute que se développent dans certains secteurs de l’université des mouvances différentialistes plus ou moins agressives, qui mettent en cause l’unité de la nation, et dont l’attitude envers les fondamentalismes est ambiguë.
D’autre part, si la CPU est dans son rôle en défendant la réputation de l’Université, on aimerait la voir aussi prompte à réagir lorsque, sous couvert de lutte contre une supposée « islamophobie » – terme aussi malheureux que celui d’« islamo-gauchisme » – des conférences, colloques ou formations portant notamment sur le terrorisme ou sur la radicalisation sont soit perturbés par ces mêmes mouvances, soit purement et simplement annulés en dépit des garanties scientifiques qu’ils présentent. QSF a déjà consacré plusieurs communiqués et tribunes à la dénonciation de ces situations[1].
Si, comme le communiqué de la CPU le rappelle avec raison, « l’université est, par essence, un lieu de débats et de construction de l’esprit critique », encore faut-il que la liberté académique y soit constamment défendue en tant que telle, y compris contre ceux qui font œuvre de propagande ou d’intimidation. Dans la période si tendue que nous traversons, QSF souligne à nouveau la nécessité de redoubler de vigilance, et appelle les présidents d’université, dans l’exercice toujours délicat de leurs fonctions, à tout mettre en œuvre pour garantir cette liberté académique et empêcher des groupes ou groupuscules d’y porter atteinte.
[1] https://www.qsf.fr/2019/10/28/communique-sur-les-atteintes-a-la-liberte-dexpression-et-les-nouvelles-censures-au-sein-des-universites/