Les mesures avancées par le ministère pour la promotion interne des maîtres de conférences (voir notre précédent communiqué ) peuvent s’éclairer par certains facteurs structurels, qui ne les rendent pas plus acceptables.
Depuis plusieurs années, avant même que soit octroyée aux maîtres de conférences la possibilité d’accéder à l’échelle-lettre B, il est resté plus intéressant pour un MCF HDR, sur le seul plan financier (c’est-à-dire abstraction faite des questions pratiques et des exigences de l’adaptation à un nouveau cadre), de ne pas quitter son poste, que de chercher à être recruté comme professeur ailleurs.
Cela vaut en particulier mais non exclusivement pour les MCF en poste en région parisienne. Nommés professeurs en province, ils perdent l’indemnité de résidence de 3 % et doivent le cas échéant s’acquitter de déplacements onéreux, sans que la 2e classe des PR leur apporte aucun surcroît de traitement.
Avec cette promotion, ils perdent en général aussi le bénéfice de la PEDR. Cette perte est sensible même pour les MCF promus sur place, qui s’en voient privés au moment même où ils doivent assumer un surcroît de travail et de responsabilités (en matière de direction de thèses et de soutenances, par exemple) qu’ils ne mesuraient pas toujours à l’avance.
Nous en sommes donc arrivés au point où la revalorisation, entamée de longue date, des fins de carrière des maîtres de conférences, conçus comme un corps à part, est devenue le frein le plus important, même localement, à leur mobilité vers le corps des professeurs. Ce corps a cessé d’être financièrement attractif, d’une part parce que la 2e classe n’a subi aucune revalorisation et se confond avec la hors-classe des MCF, d’autre part parce que la PEDR, qui autrefois rémunérait la charge de travail propre aux professeurs, leur est devenue paradoxalement plus difficile à obtenir qu’aux maîtres de conférences. La politique annoncée en matière de régime indemnitaire appellerait d’ailleurs un commentaire détaillé.
Cas sans doute unique dans le monde du travail, les responsabilités supérieures des professeurs ne s’accompagnent donc pas – avant passage, à échéance toujours incertaine, à la 1e classe puis à la classe exceptionnelle – d’une rémunération supérieure, et peuvent même entraîner pour de longues années une diminution du revenu. Comment le système peut-il durablement fonctionner ainsi ? On ne peut s’étonner que nombre de postes PR en province attirent très peu de candidats.
La réforme envisagée par le ministère est bien évidemment la pire façon de répondre au problème. Dorénavant, les mobilités seront extrêmement difficiles : on poursuivra sa carrière là où l’on aura été élu MCF – le plus souvent là même où l’on a été doctorant, puis docteur, et où l’on a rendu diverses sortes de services. Sachant le caractère très aléatoire des élections sur ces premiers postes, on comprend que le système proposé par le ministère joue le recrutement des enseignants-chercheurs pour ainsi dire à la roulette russe. À l’inverse, en Allemagne, pays pourtant largement décentralisé, la mobilité est indispensable pour devenir professeur.
Plus fondamentalement, les mesures avancées semblent signifier qu’aux yeux du ministère, il n’y a de vraie recherche qu’au CNRS et dans les autres organismes dédiés puisque, dans le recrutement des professeurs des universités, ce sont d’autres critères que la qualité de la recherche qui se trouvent maintenant valorisés. À moins que les établissements concernés ne refusent résolument le nouveau système de promotion interne, le récent concept d’« université de recherche » aura vécu.