Le 26 août, vers la fin de la pause estivale, un nouvel arrêté sur les études doctorales a été publié par le Ministère. Ce texte entend améliorer et compléter le précédent (arrêté du 25 mai 2016) sur trois points principaux : les fonctions et les missions de l’école doctorale comme lieu de formation et d’accompagnement des doctorants (article 3); la protection des doctorantes et doctorants contre des comportements déplacés au cours de leurs études (article 11) ; l’importance de l’intégrité scientifique et de l’éthique de la recherche (articles 10 et 16).
Les intentions d’où procède ce nouveau texte sont peu discutables. Améliorer les conditions de recherche et de formation des doctorants, favoriser leurs contacts avec les équipes et avec le monde de la recherche, veiller à la connaissance et au respect des valeurs de l’intégrité scientifique et de l’éthique, aider les jeunes chercheurs dans leur insertion professionnelle, ce sont des enjeux fondamentaux pour le présent et l’avenir de la recherche française.
Encore faut-il éviter que l’effort pour promouvoir les principes les plus légitimes ne se traduise par un alourdissement des dispositifs sans véritable bénéfice. En l’espèce, QSF observe que :
– Le comité de suivi individuel du doctorant, créé par le précédent arrêté, devient plus que jamais une instance administrative plus que scientifique, dont on concède tout juste qu’elle doit comprendre « au moins un membre spécialiste de la discipline dont relève le doctorat ». Notons au passage que les différences entre les secteurs disciplinaires s’agissant des conditions de préparation de la thèse sont une nouvelle fois négligées.
– Si la responsabilité du directeur de thèse est réaffirmée (article 13), tout le dispositif semble conçu pour parer à son éventuelle malfaisance : ce directeur est désormais systématiquement convoqué pour entretien (article 11 modifiant l’article 13 du précédent arrêté) par un comité qui sera particulièrement attentif « à toute forme de conflit, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel ou d’agissement sexiste ».
– Si le doctorant a son mot à dire sur la composition de ce comité, tel ne semble pas être le cas de son directeur ou de sa directrice.
– Le directeur de l’école doctorale devient un relais obligé pour tout signalement de harcèlement, alors qu’existent déjà des dispositifs auxquels étudiantes et étudiants peuvent s’adresser en toute liberté.
Tout ceci participe d’une politique de la défiance dont on peut se demander en quoi elle contribuera à la sérénité des études doctorales. Comment les directeurs de thèse accepteront-ils la tutelle de leurs collègues ? L’organisation de ce contrôle accru pourra-t-elle, outre sa lourdeur prévisible, être soustraite à tout risque de conflits et d’arrière-pensées ? Ces mesures, conçues pour répondre à des cas heureusement exceptionnels, seront en toute hypothèse très difficiles à appliquer, sinon sous une forme très allégée. Elles semblent présupposer que tout directeur de thèse est a priori incapable d’assurer seul cette fonction, ou bien tenté d’abuser de sa position. Cette suspicion n’est pas acceptable.
En outre, en répétant comme une antienne la nécessité de l’intégrité scientifique et d’une éthique de la recherche, l’article 16 va jusqu’à imposer au doctorant, au terme de sa soutenance, une prestation de serment. La formule de ce serment, destinée à être répétée ne varietur, est complexe et comporte des mots-clés empruntés à une littérature sur la « réflexivité éthique » qu’on peut juger aussi envahissante que discutable. N’est-ce pas plutôt au départ des études doctorales qu’un engagement d’intégrité scientifique aurait sa place? Il constituerait un point d’appui pour un établissement d’enseignement supérieur qui a d’ores et déjà pouvoir de sanction, par exemple en cas de plagiat flagrant. En revanche, la carrière professionnelle pour laquelle ce serment est prévu échappe aux compétences de l’établissement de soutenance. En quoi peut-on ici parler de progrès ? Telle quelle, l’initiative est surtout incongrue.
Trop de lois tue la loi, dit-on. QSF craint que la qualité des études doctorales ne sorte nullement renforcée de ces alourdissements, qui doivent tellement à l’air du temps et à l’effet d’affichage. Il convient de cesser de multiplier des réglementations dont le bénéfice n’est pas clair. Dans le même temps, on néglige l’essentiel : garantir la qualité scientifique des thèses, favoriser l’insertion professionnelle des doctorants, et rendre véritablement attractives les carrières de l’enseignement supérieur et de la recherche.