L’Université est un lieu fondamental de liberté académique et doit être un lieu de débats, voire de controverses, mais en favorisant l’exposé libre et raisonné des arguments ainsi que des contrarguments sans pressions ni contraintes y compris de la part des étudiantes et des étudiants.
La déplorable et récente affaire de l’Université de Lyon II rappelle malheureusement que les universitaires doivent aussi craindre les étudiantes et les étudiants quand ils font leur métier. Cela signifie que ces dernières et derniers – entendons par là une petite minorité, les étudiants activistes – peuvent être eux aussi des ennemis de la liberté académique, au même titre que n’importe quel autre pouvoir (politique, religieux, économique).
I – Rappelons les faits : Fabrice Balanche, qui est maître de conférences en géographie à l’Université de Lyon 2 spécialiste du Moyen-Orient, assurait le 1er avril 2024 un cours sur la politique européenne de voisinage. Son cours est alors interrompu par une quinzaine de personnes, masquées et encapuchonnées. Ceux-ci scandent : « Racistes, sionistes, c’est vous les terroristes » et brandissent, une pancarte « Pour une Palestine libre ». Face à cette manifestation, l’enseignant quitte son amphi sous les huées du groupuscule proche de l’extrême gauche (appelé « Autonomes de Lyon 2 »).
La raison de la colère de ce groupuscule vient de ce que l’enseignant en question a dénoncé sur la chaîne de TV CNews le fait que s’était tenue dans les locaux de son université la rupture du jeûne dans l’islam, (l’Iftar). Dans un long communiqué publié sur leur compte Instagram, le groupuscule estudiantin justifie son action par le fait que le maître de conférences aurait manifesté un « soutien inconditionnel […] à la politique des régimes israéliens et assadistes » et que sa place n’était « aucunement dans une université mais sur un plateau de Cnews » en raison de ses opinions qu’il juge d’extrême droite.
II – QSF estime légitime de rappeler les principes élémentaires de la liberté académique car celle-ci est ici au centre de cette affaire.
D’une part, la liberté académique suppose et implique la liberté d’enseignement qui donne à tout universitaire une grande marge d’appréciation dans la façon dont il envisage le contenu de son cours. Mais une telle liberté suppose évidemment que le professeur puisse faire cours sans aucune pression extérieure. Dès lors, toute intervention ou manifestation d’étudiants minoritaires, surtout quand il s’agit d’étudiants encagoulés – visant à perturber un cours, est une atteinte inadmissible à la liberté d’enseignement, composante essentielle de la liberté académique.
D’autre part, les universitaires ont une double liberté d’expression. La première se déroule dans le cadre de leur mission d’enseignement et de recherche, comme le rappelle expressément l’article L 952-2, alinéa 1, du code de l’éducation (qui est la codification de l’article 34 de la loi Faure du 12 novembre 1968) et dont l’importance a été soulignée par le Conseil constitutionnel dans sa décision Libertés universitaires de 1984. Cette liberté n’était pas concernée dans l’affaire de Lyon 2. Par ailleurs, les universitaires, comme tous les fonctionnaires, ont une liberté d’expression qui leur est garantie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Ils ont cette fois en tant que citoyens un droit de l’homme qui est celui de s’exprimer librement en dehors de l’Université.
M. Balanche, qui se revendique de droite (membre de L.R. et conseiller municipal de Caluire) a donc tout à fait le droit d’aller sur un plateau de télévision exprimer ses propres opinions sur la façon dont l’Université de Lyon 2 gère la question de la laïcité et il a le droit, s’il le pense, de dire que l’Université ne doit pas être un lieu de culte, de quelque religion que ce soit. C’est ce droit que lui refuse ce groupuscule autonomiste qui a une bien curieuse conception de la liberté académique et qui par son action commet une entrave à la liberté d’expression.
III. QSF dénonce vigoureusement ces groupuscules, quelle que soit leur appartenance politique, qui n’ont d’étudiants que le nom et qui pratiquent l’intimidation et la menace comme armes « rhétoriques » ; ils doivent savoir qu’ils n’ont pas le droit de porter atteinte à la liberté académique des universitaires.
QSF se félicite aussi que, pour une fois, le ministère de l’enseignement supérieur a pris fermement la défense de l’universitaire ici attaqué en soutenant la plainte pénale déposée par l’enseignant et son Université et qu’il s’est engagé à défendre la liberté académique des universitaires. Il est inadmissible que des étudiants menacent un professeur en cours, ou le diffament sur les réseaux sociaux, que le fonctionnement universitaire soit bloqué, qu’un ministère ou une présidence d’université exercent leur pouvoir de façon partisane. Les étudiants comme les maîtres sont en revanche libres de poser des questions pendant les cours et les séminaires, d’inviter des orateurs à s’exprimer, d’organiser des groupes d’étude, de diffuser leurs découvertes.
QSF invite aussi tous les présidents des Universités à opérer de même et leur rappelle qu’ils sont et devraient être les premiers gardiens de la liberté académique.