Commentées par Claudio Galderisi, André Guyaux, Paolo Tortonese
avec la collaboration d’Olivier Beaud
Les 121 propositions ici commentées ont été organisées par le Comité de pilotage des Assises en trois parties (p. 3, 12 et 18 du présent document).
Dans la version définitive du Rapport remis par le rapporteur général de Assises, Vincent Berger, au Président de la République, le 17 décembre et présentées au Président de la République, elles sont devenues 135 et sont désormais regroupées en cinq parties : a) Agir pour la réussite des étudiants (1-53) ; b) Donner une nouvelle ambition pour la recherche (54-74) ; c) Redéfinir l’organisation nationale et territoriale de l’enseignement supérieur et de la recherche (75-103) ; d) Mieux reconnaître l’activité des femmes et des hommes (104-132) ; e) Affirmer l’engagement de la France dans l’enseignement supérieur et la recherche (133-135).
Dans ce rapport définitif, les 135 propositions sont davantage le reflet du travail du comité de pilotage, et plus particulièrement du rapporteur général, qu’un miroir fidèle des auditions de l’ensemble des associations et des universitaires qui ont participé aux Assises. Une partie d’entre elles sont accompagnées d’une « interprétation authentique », qui est pour l’essentiel extraite du discours que M. Berger a prononcé en clôture des Assises, le 27 novembre dernier.
Les commentaires que propose ici QSF étaient déjà achevés lorsque la version définitive du rapport a été rendue publique. Nous n’avons pas cru opportun de reporter nos commentaires sur ce dernier document, qui avec ses 86 pages offre au lecteur un texte déjà très long. La version qui est ici commentée est celle qui a été présentée lors des ateliers du 26 et 27 novembre dernier. On remarquera qu’elle contient encore quelques scories formelles…
Dans la version définitive, le comité de pilotage a ajouté une quinzaine de nouvelles propositions. Un seul exemple : la proposition n° 132, introduite dans la section réservée à la parité homme/femme, propose l’abolition des notes (remplacées par des avis motivés), sans qu’il soit précisé s’il agit des notes de l’AERES, d’autres notes non mieux identifiées ou de l’évaluation des étudiants, et sans que l’on sache pourquoi, dans ce dernier cas, cette suppression concernerait la parité et non la réussite des étudiants, de tous les étudiants…
Le comité a également modifié un certain nombre de propositions. Nous en avons notées deux entre autres : la suppression de la qualification, qui était suggérée au travers d’une question dans la mouture ici commentée (n° 106) est désormais préconisée clairement (n° 126 de la version définitive), alors que l’abolition de l’HDR proposée dans notre document (n° 29) a disparu apparemment de la version définitive. En réalité, ce silence n’est qu’un artifice rhétorique, puisque la proposition 129 du rapport définitif souhaite « permettre à chaque chercheur ou enseignant-chercheur permanent titulaire d’un doctorat de diriger une thèse ». L’HDR ne serait pas abolie, mais elle serait vidée de toute sa substance, puisqu’elle ne serait plus nécessaire pour diriger des recherches et ne serait pas non plus une condition d’accès à une qualification aux corps des professeurs, puisque la qualification serait aussi abolie !
Comme QSF l’a déjà souligné dans son récent communiqué sur les Assises, ces 121 propositions n’abordent que la question du « grand malade » du système de l’enseignement supérieur, les universités, en laissant de côtés quelques-unes des causes majeures de la crise que connaissent ces établissements depuis plusieurs décennies : absence de sélection, désaffection des meilleurs bacheliers au profit des classes préparatoires et des Grandes Écoles, rôle prépondérant des organismes de recherche, crise identitaire de l’enseignant-chercheur, qualité des bureaux et des bibliothèques.
Ces propositions font globalement l’impasse sur les sujets qui fâchent. Ce silence est particulièrement significatif sur l’orientation et la qualité des diplômes et sur la formation continue.
Très peu est dit sur l’orientation. Notre système universitaire souffre d’une contradiction, paresseusement admise, qui consiste à déplorer l’échec à la fin de la première année du premier cycle et à interdire la sélection à l’entrée de l’université. Il est pourtant évident que l’absence de sélection est préjudiciable à la réussite des étudiants issus des classes les moins favorisées. Le droit donné à tout bachelier d’entrer à l’université, sans qu’une orientation bien conçue lui ait été proposée, a pour effet de dévaloriser d’emblée la voie universitaire par rapport aux autres voies de l’enseignement supérieur. Une bonne orientation est l’une des conditions pour réduire la sélection par l’échec, qui frappe chaque année plus de 150 000 étudiants, et pour arrêter la dévalorisation progressive des diplômes universitaires, en particulier dans les sciences humaines, sociales et juridiques. Deux mesures simples pourraient être envisagées : l’orientation des étudiants à travers les prérequis disciplinaires (les conditions à remplir pour qu’un étudiant soit en mesure de suivre la filière qu’il a choisie) et l’introduction, entre le Bac et le début des études universitaires, d’une année d’orientation, qui serait facultative pour les étudiants disposant des prérequis disciplinaires ou d’une mention au Bac.
Aucune proposition n’aborde vraiment la question de la formation individualisée et continue. La licence en trois ans est à la fois une raison de l’échec de masse et un obstacle à la capitalisation des crédits. En permettant aux étudiants de capitaliser à leur rythme les crédits nécessaires, on réduirait l’échec en adaptant la transmission du savoir aux possibilités de chacun. La capitalisation des crédits remplacerait complètement le système actuel de compensation. Parallèlement, la formation continue des adultes pourrait se faire, prioritairement, dans les universités. Elle permettrait de se déprendre d’une conception rigide des études, qui veut qu’on les accomplisse à plein temps aussitôt après le baccalauréat et que, si l’on échoue, les portes de l’université restent ensuite définitivement fermées. […]