Le 13 juin, en fin de séance, le Sénat a voté, sur proposition d’une membre du groupe écologiste, et après quelques minutes de débat, la suppression de la procédure de qualification par le CNU.
http://www.senat.fr/amendements/2012-2013/660/Amdt_6.html
Il faut espérer que cet amendement, voté à la va-vite, sera finalement rejeté par la Commission mixte paritaire. Il est cependant inquiétant que l’avenir de nos universités et le sérieux du recrutement de nos enseignants-chercheurs puissent ainsi être mis à mal par un amendement déposé et discuté à la hâte sans la moindre consultation des instances universitaires représentatives, et en particulier du CNESER et du CNU. Il est tout aussi inquiétant pour la démocratie française que des sénateurs écologistes se comportent avec autant de légèreté et prétendent régler en dix minutes de débat une question difficile et complexe, qui engage l’avenir des universités françaises, bien plus que tant d’autres articles du projet de loi projet de loi sur l’enseignement et la recherche.
QSF conteste la validité de la plupart des arguments présentés.
Les « modalités de la qualification » ne sont pas « une originalité française » : la qualification existe dans d’autres pays européens, et elle vient par exemple d’être introduite dans le système universitaire italien. Ceci étant dit, le système français présente aussi un certain nombre de particularités qu’on ne peut purement et simplement ignorer.
Il est irréaliste en l’état simplement de « faire confiance aux jurys de thèse », étant donné les multiples finalités qui sont de plus en plus attribuées au doctorat, et qui débordent très largement l’accès aux fonctions de maîtres de conférence à l’université.
Quant à l’argument présenté par la présidente de la commission de la culture selon lequel le dispositif de la qualification « pénalise tous les doctorants de France » (tous, donc même les qualifiés ?), il laisse rêveur. C’est bien plutôt la suppression de la qualification qui pénalisera tous les bons doctorants de France. Il serait absurde de dire que tout doctorant a un droit acquis à devenir universitaire. Tout le monde sait par ailleurs qu’il y a dans la thèse une « aventure » qui peut ne pas toujours bien se terminer : il y a des thèses insatisfaisantes du point de vue académique. Seule une instance indépendante des instances locales peut, pour l’instant, procéder à cette évaluation.
En l’état actuel, l’abrogation de la qualification reviendrait à amplifier le phénomène du recrutement local. Dans un système de libre concurrence entre les universités, comme celui qui existe par exemple aux États-Unis, on peut imaginer que les universités soient responsables et comptables de leur politique de recrutement et de promotion : mais le système américain s’inscrit dans une société et dans une culture libérales qui ne correspondent ni à l’histoire de la France, ni à sa situation présente.
QSF s’est toujours battu contre le recrutement local, qui est une forme de clientélisme et d’injustice. Le localisme n’est pas seulement un danger, il est malheureusement une réalité, qui a été accrue par la multiplication des universités et par plusieurs dispositions de la loi LRU qui le favorisent. Or, si un mauvais recrutement pénalise indirectement l’établissement, il pénalise plus directement les doctorants eux-mêmes, et entrave l’avancement de la recherche. La qualification par le CNU reste actuellement la seule garantie à un niveau national contre les excès engendrés par le localisme.
QSF rappelle que le recrutement est la première et la plus sûre des évaluations. Il faut donc renforcer, et non réduire, les conditions favorables à qualité. QSF invite donc les élus de la Nation à rétablir l’article L. 952-6 du code de l’éducation et à maintenir la procédure de qualification.